Histoire du XIX° siècle : "Les acteurs de la Seconde République dans le Gers" par Renée Courtiade
Enseignante à la retraite, adhérente de la société des Etudes du Comminges depuis 1963, elle a fait des conférences à St-Gaudens sur le Comminges ; une aussi dans le Volvestre et des articles dans la revue de Comminges, dans le bulletin de la Société archéologique du Gers ; certains sont en ligne sur le site 1851.fr
Article écrit par Renée Courtiade, et publié sur mon Blog avec son autorisation : article publié dans le Bulletin de la Société archéologique, historique, littéraire et scientifique du Gers, numéro 385 – 3ème trimestre 2007
Société archéologique du Gers – 13 place Saluste du Bartas BP 16 32001 Auch cedex www.societearcheologiquedugers.com
Les acteurs[1] de la Seconde République dans le Gers[2]
par Renée COURTIADE
La chute de Louis-Philippe et la formation du gouvernement provisoire sont connus à Auch dès le 25 février par une dépêche de Ledru-Rollin. Des groupes se forment devant l’hôtel de ville commentant l’évènement ; le maire, Duran, démissionne ; le lendemain une foule envahit la mairie, une commission provisoire est nommée, formée de 7 membres dont Alem-Rousseau.
Le préfet étant en congé, la Commission nomme Alem-Rousseau chef de l’administration départementale. Il convoque la Garde nationale pour le 27 et harangue la population.
Le 28 la Commission proclame la République (proclamation rédigée par Alem-Rousseau).
Les autres villes du Gers, les chefs lieux de canton connaissent la même effervescence. Spontanée au départ, la République va être organisée par Alem-Rousseau en tant que préfet intérimaire (6 jours) puis par Pégot-Ogier nommé Commissaire de la République par Jacques Joly que Ledru-Rollin avait chargé de la Haute-Garonne et du Gers[3].
Alem-Rousseau maintien la paix et prend des décrets : il remplace le sous-préfet de Mirande par Ducos, agent de change et nomme Canteloup président de la Commission municipale d’Auch. Le 29 février il envoie une circulaire à tous les maires leur enjoignant de proclamer la République et de réorganiser les gardes nationales dont les officiers sont élus par les gardes eux-mêmes. Utilisant la persuasion plutôt que la force, il est écouté et, partout en même temps, s’installent des Commissions provisoires chargées de l’administration municipale.
Jean-Baptiste Pégot-Ogier lui succède le 6 mars. C’est un ami de Joly, un républicain convaincu comme toute sa famille, de Saint-Gaudens (Haute-Garonne) ; dès le 25 février il est aux côtés de Jacques Joly dans la Commission départementale et municipale qui prend en charge la Haute-Garonne. C’est donc un homme sûr que choisit Jacques Joly pour le Gers. Le nouveau Commissaire de la République délègue dans les arrondissements : Lamarque à Condom, Carbonneau à Lectoure, Sahuqué à Lombez, Ducos à Mirande[4] ; il réorganise les tribunaux et les Gardes nationales.
Le Gers est républicain dans les campagnes comme dans les villes à l’exception de l’arrondissement de Lombez qui reste majoritairement légitimiste. Il sera difficile d’y nommer un Sous-commissaire sûr.
La Seconde République naît dans une atmosphère de fête républicaine, d’enthousiasme collectif et d’illusions lyriques que Charles Baudelaire décrit ainsi : Ce moment unique dans l’histoire où les sentiments divers de tant d’individus ne furent qu’une immense espérance. Les historiens l’appellent la « République utopique ». Le Gers participe à cette fièvre.
C’est aux chef-lieux que la vie politique est la plus intense dès le 26 février ; quelques hommes, tous « républicains de la veille » y jouent un rôle majeur se dépensant sans compter pour établir solidement la République puis pour préparer les élections législatives. Mais naissent aussi des rivalités.
Ces hommes, dont les pères ont joué un rôle semblable pendant la période révolutionnaire, sont au cœur de cet article : ils installent la République, durablement croient-ils, dans leur ville ; ils débattent et écrivent sa Constitution quand ils sont élus Représentants du peuple.
Ce tableau ne s’étend pas à l’arrondissement de Lombez qui reste sous l’influence du grand propriétaire terrien légitimiste, le Marquis de Panat. Cet avant-poste du conservatisme ouvrira la seconde partie de ce travail : le triomphe du conservatisme dans le département au grand dam des républicains engagés.
Ceux-ci ont noms Alem-Rousseau, David et Boubée à Auch ; Belliard et Carbonneau à Lectoure ; Gavarret et Gounon dans l’arrondissement de Condom. Il faut y rajouter Lamarque et Duputz à Condom.
Les « républicains de la veille »
A Auch
Il est né le 21 décembre 1793 à Aubiet (Gers) où il décèdera le 25 janvier 1868 ( 7h30 du matin) ; il est fils de paysans aisés, Joseph Alem et Marie (ou Marie Louise) Dompnier très croyante et pieuse. (ferme de Bentajou pour son père et En Martinon pour sa mère, à Aubiet).
François n’a pas renié cet héritage puisqu’il accole le nom de Rousseau à son nom et qu’il donne à son fils le prénom d’Emile. Pourtant les relations avec son père ont dû être conflictuelles : en effet ce n’est qu’après la mort de son père que François se marie avec Marie Louise Ardit née à Auch le 10 novembre 1803 ; lors de ce mariage tous deux reconnaissent deux enfants. Insubordination mêlée d’admiration ?
Très jeune, il a participé aux guerres de l’Empire et a été plusieurs fois blessé lors des campagnes de 1812-1813. Il démissionne sous la Restauration.
Le 8 août 1830 il est nommé à l’unanimité adjudant major de la Garde nationale ; mais trouvant le nouveau pouvoir trop jeune il refuse.
Le 23 octobre 1831 Alem est nommé au conseil municipal d’Auch avec Boubée, David, Soullier… Souvent chargé de questions concernant la commune, il sait emporter l’adhésion de ses collègues. En 1833 il quitte le conseil municipal qui soutenait la politique de Louis-Philippe.
Dès 1834, il est un des chefs du parti Républicain à Auch où il fonde Le pays (journal du Gers paraissant trois fois par semaine). Le journal subit de nombreux procès et s’arrête au bout de huit ans. Il y écrit de nombreux articles.
Il est respectueux vis à vis des religions. Ainsi proteste-t-il contre une pétition hostile aux Jésuites, défend-il la liberté de l’éducation et intervient-il avec succès pour empêcher la destruction d’une croix de mission dans la ville d’Auch.
Pour Alem-Rousseau les grands devoirs de fraternité sont : inviolabilité du domicile, liberté des opinions et des consciences, respect des cultes, obéissance aux lois.
Il adhère à « l’Association démocratique des amis de la Constitution » dès sa création au niveau national, le seul du Gers.
La Commission municipale d’Auch est divisée et démissionne mais Pégot-Ogier la maintien et nomme Alem-Rousseau maire provisoire en raison des services importants rendus au département.[10]
Le 20 mars 1848, Alem-Rousseau veut créer à Auch un « club général » avec un ordre du jour et un règlement ; il dit avoir pris depuis vingt ans comme devise : liberté pour tous . C’est un échec.
Le 1er avril la liste du Comité électoral républicain est constituée : David, Gounon, Alem-Rousseau, Dupetit, Gavarret, Subervie, Boubée, Carbonneau. Cette liste est remise en cause par les autres comités républicains, David étant jugé légitimiste et Alem-Rousseau trop proche de lui. Le préfet monte sa propre liste comprenant Alem-Rousseau et ayant à sa tête Ledru-Rollin et les Sous-commissaires entament une tournée dans les campagnes pour la faire accepter.
Le 23 avril 1848 Alem-Rousseau est le 2ème élu du Gers avec 62 647 voix après Gavarret (64 589 voix). La liste du comité central est battue, en dehors des trois candidats communs. C’est le triomphe de l’opinion républicaine modérée.
Représentant du peuple en 1848
A la Constituante il siège parmi les Républicains modérés et fait partie de plusieurs commissions importantes ; il préside celle chargée de dépouiller les papiers trouvés en février dans les résidences royales et demande qu’aucune pièce concernant la vie privée ne soit publiée.
Il intervient peu à la tribune disant qu’il est en mauvais état de santé. Comme la majorité, il se rallie à Cavaignac après les évènements de juin.
Dans un article de son journal, Le pays, le 16 septembre[13], Alem-Rousseau rend compte de ses votes et écrit qu’il a voté en faveur du décret sur les rassemblements qui obstruaient et effrayaient Paris. Plus tard, la liberté des réunions politiques, à des conditions rassurantes a eu mon suffrage.
A propos du décret sur la transportation des insurgés de juin il écrit : en la compagnie de l’évêque de Langres, de M Victor Hugo […], réunis en comité de « fraternité » j’ai eu l’occasion de regretter bien amèrement que le décret ait confondu les grands et les petits coupables.
Il vote contre, quatre fois, l’autorisation de poursuivre Blanc et Caussidière. Et il conclue l’article ainsi : Que maintenant chacun me classe à sa fantaisie ; qu’on fasse de moi un réactionnaire, un ministériel, un montagnard ou tout simplement un républicain modéré et résolu.
Il ne se distingue donc pas de la majorité républicaine et vote comme elle lors des débats sur divers points de la Constitution ainsi que lors du vote de l’ensemble du texte. Clairvoyant, l’élection à Paris de Louis-Napoléon Bonaparte en tant que représentant du peuple, l’inquiète comme peut en témoigner cet éditorial (non signé) dans Le pays du 23 septembre[14] :
Alem-Rousseau semble avoir une grande influence politique à Auch et être redouté par les Commissaires de la République successifs y compris républicains. Ainsi, Prosper Barousse, nommé Commissaire de la République après l’élection de Pégot-Ogier à l’Assemblée constituante, à son arrivée, le 6 mai décrit la situation à Auch et dénonce deux factions qui n’ont aucun caractère politique [ Alem contre Canteloup] . Les deux chefs de parti ont des prétentions démocrates, mais rien que des prétentions. Alem a rallié à lui les légitimistes et les prêtres, Canteloup le juste milieu.[15] Barousse veut installer à côté de ces coteries un vrai parti démocrate.
Lors des élections législatives de 1849, les républicains se divisent en deux listes : Alem-Rousseau est sur la liste des candidats républicains modérés ; il n’est pas élu et se représente aux élections partielles de juin (pour remplacer Lacave-Laplagne qui vient de mourir). Pourtant il n’a pas été choisi par le Comité démocratique central du Gers qui, pour éviter les dissensions locales, a choisi un candidat étranger au département mais suffisamment connu, Jean-Baptiste Pégot-Ogier ancien préfet. David aussi se présente.
Devant les menaces de coup d’état, Alem-Roussseau opte pour un rapprochement avec les montagnards et fonde un journal Le démocrate dont le premier numéro paraît le 6 novembre 1851 et qui prêche l’union pour défendre la constitution. Raynal en est le rédacteur. Mais les Montagnards et Duputz ne veulent pas de l’union.
Né le 9 octobre 1794, son père ne le déclare que le 25 octobre avec pour seul prénom Lepelletier[18]. On peut supposer qu’il a abandonné ce prénom trop difficile à porter et qu’il s’est choisi un autre prénom : Théodore.
Le père, Joseph Boubée, est pharmacien de l’hôpital militaire d’Auch et Jacobin convaincu : sous la Révolution il a été administrateur du département du Gers après l’écrasement des Girondins auquel il a contribué avec Lantrac[19]. Sa mère, Louise ROGER, a 37 ans en 1794.
Théodore Boubée, après des études de médecine et chimie, s’installe en tant que pharmacien à Auch. Il est l’auteur d’un mémoire présentant un sirop de sa fabrication : Traitement de la goutte et des rhumatismes aigus et chroniques par le sirop anti-goutteux de Théodore Boubée pharmacien à Auch (1832), réédité plusieurs fois. Ce qui l’enrichit comme le constate la notice de 1855 : 15000 F de revenu en propriétés, fortune amassée par l’exploitation du brevet d’invention d’un sirop anti-goutte.
En patriote zélé, ardent, réfléchi, Boubée professe toute sa vie des principes franchement démocratiques. Sous Louis-Philippe il est en butte à des tracasseries incessantes de l’administration (fiscale en particulier) Avec Alem-Rousseau il est un des fondateurs et des rédacteurs du Pays.
Le 23-10-1831 il est nommé au conseil municipal d’Auch avec Alem-Rousseau, David, Soullier
Représentant du peuple en 1848
Sur la liste des candidats républicains modérés, il n’est pas réélu en 1849 et reste proche d’Alem-Rousseau.
La notice de 1855 précise qu’il a quatre fils dont un est aspirant de marin et deux filles, l’une mariée, l’autre religieuse, et le présente ainsi sous la rubrique « valeur personnelle » : médiocre. M. Boubée n’a dû le rôle politique qu’il a joué en 1848 et 1849 qu’à l’amitié d’Alem-Rousseau avec lequel il est en communion de sentiments. Et pour la rubrique « confiance à accorder » : caractère impérieux et violent. M. Boubée avait manifesté longtemps avant 1848 des idées républicaines.
Il meurt le 16 novembre 1865 à Auch, âgé de 72 ans dans sa maison place Saint-Jacques.
Le 3ème républicain modéré d’Auch est :
DAVID Irénée Frix George Honoré[21]
Il est issu d’une famille de notables[22]. Son père Jean-Frix David, a joué un rôle important pendant la période révolutionnaire et s’est engagé dans la lutte contre les Jacobins.[23]
Brillant élève de l’Ecole centrale d’Auch, il poursuit ses études à Paris : droit et botanique au Muséum avec Jeoffroy Saint-Hilaire, Laurent de Jussieu, de Bosc et Desfontaines (il est ami des deux derniers).
C’est un érudit qui touche à diverses disciplines : il écrit un Eloge de Pascal , un essai sur la Centralisation administrative, des études sur la réforme hypothécaire ; il collabore à la revue de législation… Mais c’est en tant qu’arboriculteur qu’il se fait connaître.
Au début de la Restauration il revient à Auch, en tant qu’avocat, et y crée un précieux et vaste jardin scientifique à La Hourre. Son jardin est visité par le Chef des cultures du Jardin des Plantes de Paris, et donne lieu à un article spécial de La revue horticole de 1861 par M. Pépin chef de l’Ecole de botanique du Jardin des Plantes.
Pour mettre en pratique ses idées, il participe à la lutte contre le déboisement et écrit de nombreux articles scientifiques d’arboriculture incitant les Gersois à reboiser avec des espèces adaptées. C’est un membre très actif de la Société d’agriculture et il collabore au Mémorial agricole du Gers.[24]
En janvier 1829, il est maire d’Auch, mais démissionne en 1830 parce que légitimiste. Le 23 octobre 1831 il est nommé au conseil municipal d’Auch avec Boubée, Soullier… Il travaille à un rapprochement des royalistes et des républicains. Il échoue aux législatives de 1839 et 1842.
Le rôle politique d’Irénée David n’est pas comparable à ceux de son père et de son fils ; il est beaucoup plus mesuré et consacre beaucoup de temps à l’arboriculture. C’est peut-être son ami Alem-Rousseau qui l’a entraîné dans la vie politique en le recommandant comme candidat à Lebbé en 1848 pour la liste des républicains modérés. Elu candidat à la candidature il subit comme chacun un interrogatoire difficile et un contrôle minutieux de son passé de la part du Comité : il est élu le 28 avril à l’Assemblée constituante.
Représentant du peuple en 1848
Il participe activement aux travaux de l’assemblée avec une orientation libérale mesurée : loi sur le timbre, opposition énergique à l’augmentation des impôts. Ecœuré par l’invasion de l’Assemblée le 18 mai et les sanglantes journées de juin 1848, il soutien la politique de Cavaignac.
Comme Alem-Rousseau, en 1849, il se présente en vain deux fois (en mai et lors de la partielle).
Il reste un opposant discret à Louis-Napoléon Bonaparte. Les archives n’ont pas conservé de notices de la police à son nom (ni d’aucun autre membre de sa famille) ce qui peut s’expliquer de deux façons : ou il n’était pas surveillé ou, plus vraisemblablement, elles ont disparu. [25]
Le Courrier du Gers écrit au moment de sa mort : En politique, il préconisa l’union de l’Ordre et de la Liberté sous la monarchie. Il défendit la liberté en péril et l’Ordre menacé sous la République…
A Lectoure[26]
Né le 19 juin 1800 chez son oncle Lannes au faubourg de Lectoure, il a une jumelle, Virginie, qui meurt à l’âge de 7 ans. Leurs parents : Jean Belliard et Jeanne (ou Jeanne-Marie) Lannes, sœur du Maréchal. Les Belliard descendent d’une famille de propriétaires terriens aisés de Sempesserre. Quant à la famille du Maréchal Lannes elle est bien connue[28], ainsi que ses enfants.[29] [30]
Jean Belliard épouse Marie-Julienne Denux ; ils vivent et meurent dans leur domaine du Sauby à Terraube, lui le 19 mars 1891, elle le 27 avril 1887. Ils ont plusieurs enfants dont s’occupent beaucoup les Montebello. Cette proximité avec la famille bonapartiste influera sur son destin. Il est Chevalier de la légion d’honneur[31].
Avocat à Lectoure, il collabore très jeune au journal Le National fondé à Paris par le républicain modéré Armand Carrel. G. Palmade[32] classe Belliard dans les riches bourgeois et dit de lui : candidat équivoque à la Constituante.
En février 1848, il est membre de la commission exécutive de Lectoure.
Sous-commissaire de la République de Lombez du 28 mars au 1er juin
L’arrondissement de Lombez est sous l’influence du Marquis de Panat, grand propriétaire légitimiste. Face à lui le Préfet Joly n’installe que des Sous-commissaires maladroits au point de provoquer des troubles : l’avocat Sahuqué (Pégot-Ogier écrit de lui à Joly : votre choix n’est pas heureux et il est de toute nullité et sans influence[33] ) qui démissionne dès le 11 mars. Suit un intérim du maire provisoire de l’Isle-Jourdain, Vignola qui écrit à Pégot-Ogier le 15 mars[34] : les affaires de l’arrondissement sont ici en souffrance, votre délégué n’étant pas encore arrivé, l’opposition agit et moi, malgré ma bonne volonté, je ne puis révoquer ni nommer de nouveaux maires, n’ayant pas de pouvoir pour cela. Puis Joly nomme l’avoué Dufaur qui destitue des maires sans concertation et l’agitation continue alors que les élections approchent.
Le 26 mars, Pégot-Ogier convainc Belliard de prendre la sous-préfecture de Lombez et il explique son choix : Sa modération, son habileté, son absence d’attaches avec la région sont les gages de sa réussite. Jean Belliard est chargé de préparer les élections et cela en très peu de jours. [35]
Dès le 4 avril celui-ci écrit au Commissaire de la République : Depuis mon arrivée à Lombez je me suis uniquement occupé des communes, de leur personnel, de leur organisation et de leur réclamation. Je marche lentement, je voudrais marcher sûrement. […] La plus grande partie des communes est tranquille. Les seules qui me donnent des inquiétudes sont celles où l’on a formé des administrations provisoires. […] M Dufaur avoue qu’il s’est trop pressé. On l’a trompé. Ces erreurs ont causé une grande agitation dans les esprits : heureusement que j’ai encore vingt et un jours avant les élections. […] La grande influence d’opposition était l’influence légitimiste ; il y avait quelques radicaux, le reste était machinalement ministériel. […] L’esprit général est pour le gouvernement républicain mais il rajoute qu’on ne trouverait pas 10 démocrates purs dans tout l’arrondissement.[36]
Commissaire de la République
Il est nommé le 4 juin[37] ; il remplit sa mission avec conscience et conviction mais il est révoqué le 4 novembre : L’opinion attribue cette disgrâce à sa modération, à sa tiédeur présumée à l’endroit de Cavaignac, à sa parenté, à ses relations. Belliard, neveu du maréchal Lannes et cousin de Montebello aura semblé peu propre à entrer en campagne pour le général Cavaignac contre le neveu de l’Empereur… Il rentre honorablement dans la vie privée, parce qu’il ne s’est pas prêté à aucun des actes de violence administrative qu’on lui a, dit-on, demandés.[38]
Cette mesure surprend Belliard et peut paraître étonnante en effet ; il soutenait officiellement le journal républicain Le pays (et en avait prévenu le ministère) pour mener la campagne en faveur de Cavaignac. Tous les jours, Le pays réfute les arguments de L’opinion. Ainsi, le 31 octobre, le journal de la préfecture passe en revue tous les candidats et les écarte d’une formule dénigrante : M Bonaparte…sera soutenu par les anciens conservateurs qui le considèrent comme une transition… Quant à la valeur individuelle du prince, ses souteneurs n’en parlent pas et ils agissent en cela assez prudemment…. Qui parle de M Ledru-Rollin dont les doctrines épouvantent la France ? … L’homme sage … ne saurait fixer son attention que sur M Lamartine ou le général Cavaignac… Le général Cavaignac est le seul dont la candidature soit rationnelle et l’élection satisfaisante. [39]
Le 3 décembre Pasquier, son successeur, arrive. Entre temps l’intérim a été assuré par le Doyen du Conseil de Préfecture, E. Dupetit.
Représentant du peuple en 1849
Lors des Législatives de 1849, Belliard franchit le pas : il est candidat de L’Opinion et du parti de l’ordre et en même temps sur la liste bonapartiste de l’arrondissement de Lombez ; il est élu le 13 mai à l’Assemblée législative sur la liste conservatrice. Il y soutient la politique du Prince-Président. Réélu député dans la circonscription d’Auch en 1852 puis en 1857 et 1863, il fait partie de la majorité « impérialiste » de l’Assemblée. Il est conseiller général pour le canton de Lectoure de 1852 à 1870. Mais en 1869 Aylies lui est préféré comme candidat officiel à la députation, il se retire alors de la politique.
CARBONNEAU Pierre François Achile (dit Pierre-Achille ).
(Son nom est écrit de diverses façons : CARBONNAU ou CARBONNEAU ou CARBONAU) .
Né le 21 février 1799 à Lectoure, il est le fils d’un médecin, Jean François Carbonau et de Françoise Dumoulin qui habitent à Lectoure dans la Grande rue, Section St Gervais[40].
Avocat à Lectoure et l’un des meilleurs du Gers, il meurt rentier et riche le 9 juin 1865 à Castet-Arrouy, village de sa mère, où il possédait un domaine. Il est célibataire.
Ses concitoyens le choisissent très logiquement comme Président de la commission exécutive de Lectoure qui est constituée dès le 26 février 1848 et formée de 7 membres : Carbonneau, Belliard, Noguès (avocats), Labat et Barailhé (propriétaires), Pujol (négociant), et Couraud (ferblantier)[41]. Puis Achille Carbonneau est choisi comme Sous-commissaire de Lectoure du 27 février au début mai.[42]
Et, comme tous les hommes engagés de son époque, il se porte candidat pour les législatives. Le Comité électoral présidé par Alem-Rousseau dit de lui : Carbonneau homme nouveau, désintéressé, ferme républicain, n’ayant pas de famille à caser.
La confrontation est vive entre L’Opinion et Le franc-Républicain[43]. Carbonneau est pris à partie et réplique. Dagnan résume cette passe d’armes ainsi : Carbonneau, tout en se déclarant le défenseur énergique de la famille, de la propriété, de l’héritage, a imprudemment parlé de l’organisation du travail et préconisé l’association libre du patron et de l’ouvrier : l’Etat fournira à ce dernier une partie du capital social, retirée si l’entreprise réussit, perdue si elle échoue. – Mais répond gravement « L’opinion », cette caisse de l’industrie qui prête à l’ouvrier ne sera évidemment constituée qu’avec le superflu de ceux qui ont de l’argent. C’est donc un acheminement au communisme – Carbonneau récidive et aggrave son cas en prônant l’impôt progressif sur le revenu « avec une échelle modérément ascensive. » Il veut remplacer l’impôt du sel et les autres impôts indirects par des lois somptuaires et l’impôt progressif « sagement organisé ».
Représentant du peuple en 1848 et 1849
Malgré (ou à cause de ?) cette polémique Carbonneau figure sur les trois listes républicaines et il est élu le 23 avril le dernier du Gers, il siège à gauche, mais, surpris par la violence de ses collègues, se rapproche bien vite du groupe Cavaignac. La notice de 1855 signale : quoiqu’il eut été nommé par le parti conservateur il se plaça dans les rangs des Montagnards et vota avec eux. Et : conservateur sous la monarchie, républicain sous la république. Le policier qui rédige la note le juge excentrique et bizarre. Lors des élections du Conseil général, en juillet, il est un des cinq républicains élus.[44]
Après le coup d’état du 2 décembre, il se retire de la vie politique et reprend sa place au barreau de Lectoure ; il ne participe pas à l’insurrection, qui d’ailleurs est très limitée dans la ville de Lectoure et n’est pas inquiété.
Comme à Auch, les Républicains sont divisés en tendances mais ils ne sont qu’épisodiquement rivaux. C’est peut-être le résultat d’années de « république clandestine », selon l’expression de Jeanne Gilmore[46], autour de Félix Lebbé[47] qui a fondé L’étoile d’Aquitaine. La notabilité et la personnalité de chacun les poussent sans doute à conjuguer leurs efforts pour asseoir la République et la consolider. Ce travail souterrain coordonné, accompagné de pratiques régulières d’éducation populaire pendant ces trois années, fait de Condom et des alentours un foyer républicain dit « rouge » et permet à l’arrondissement d’avoir deux élus en 1848 à l’Assemblée constituante et encore deux en 1849 à l’Assemblée législative. Quatre de ces personnages, Gavarret, Gounon, Duputz et Lamarque, liés par l’amitié, convaincus et désintéressés ont joué un rôle primordial et reconnu dans l ‘arrondissement.
GAVARRET Louis Sébastien Philip [48]
Son père Jean PHILIP, bourgeois, avait choisi de prendre comme patronyme le nom de sa maison, Gavarret.
Louis-Sébastien est né le 14 juillet 1791 à La Sauvetat (Gers), et décèdera le 15 mars 1881 à Béraut, (près de Condom) sur le domaine du Tuco, qu’il avait acheté. Il épouse Jeanne Georgette Virginie Dubarry de Lassale d’une famille de républicains déclarés – et très surveillés – du Condomois. Ils n’ont pas d’enfant.
Cet avocat reconnu (instruction étendue, valeur personnelle considérable d’après la notice de 1855) et aisé pourra se retirer tôt du barreau.
Il est membre de la Loge maçonnique l’Auguste Amitié de Condom sous la Monarchie de Juillet. Elu député en 1831, il siège avec la gauche dynastique, démissionne l’année suivante et est remplacé le 14 février 1833 par Alfred Lannes de Montebello. En 1833, il est élu au Conseil général du Gers pour le canton de Condom[49], et en est le secrétaire pendant 16 ans ce qui lui vaut la Légion d’honneur en 1845 ; il en est flatté[50] .
Lors des élections de 1847 il talonne de 61 voix, Eugène Persil, le fils du conservateur Jean-Charles Persil (Procureur général et deux fois Garde des sceaux ; admis à la Chambre des pairs en 1839).
Il joue un rôle prépondérant dans la campagne de banquets qui précède et annonce la chute de la monarchie et préside, en particulier, le banquet réformiste de Condom, en novembre 1847 qui réunit 400 personnes
Le 29 février 1848 le voit nommé Sous-commissaire de la République[51] à Condom[52], poste pour lequel le nouveau Commissaire de la République, Prosper Barousse, le trouve compétent.[53]
En mars 1848 : Gavarret est Président du Club condomois chargé de préparer les élections. Mais il démissionne très vite en donnant comme motifs son état de santé et sa candidature pour les élections. D’où une polémique dans le journal L’étoile d’Aquitaine du 26 mars[54] avec un article (non signé) : peut-il être candidat s’il est malade ? Il est vrai que le rédacteur en chef, Lamarque, était candidat à la candidature. De fait dans les premières listes publiées par le journal, Gavarret n’apparaît pas y compris dans la liste dite « définitive » publiée le 16 avril.
Représentant du peuple en 1848 et 1849
Les listes ont subi force modifications, et Gavarret, enfin candidat, est élu à l’Assemblée constituante le 23 avril, 1er sur 8 avec 64 589 voix. En juillet il est un des cinq républicains élus conseillers généraux seuls rescapés de la vague conservatrice.
A l’Assemblée il siège dans la Commission de l’instruction publique ; il est pour la gratuité absolue du primaire. Il fait partie du comité des cultes. S’il appartient à la tendance démocrate modérée, il sait s’en démarquer, en particulier quand, en septembre, il soutient avec une trentaine de députés, la proposition de Victor Hugo d’inscrire dans la constitution l’abolition de la peine de mort.
Le 26 novembre 1848, il participe à Condom à l’organisation d’un banquet de soutien à la candidature de Ledru-Rollin qui réunit 180 personnes selon L’opinion, 360 au dire de L’étoile d’Aquitaine. Un cortège, tambour en tête, se répand dans la ville aux cris de Vive la République démocratique et sociale.
Après l’élection de Louis-Napoléon Bonaparte, il participe à la fronde parlementaire des républicains.
Chaque fois qu’il vient dans le Gers il est très surveillé ; lors de son retour le 12 août 1850, il a droit à la sérénade, tradition de la ville. Il rentre dans la vie privée après le coup d’état du 2 décembre mais le pouvoir se méfie toujours de lui en particulier à cause de son influence : considération marquée dans une très grande partie de la bourgeoisie et parmi le peuple, d’après la notice de 1855.
La situation de Mocquart va influer fortement sur l’engagement politique de son beau-frère.
Gounon adhère très jeune aux idées libérales ; il se fait remarquer pour la 1ère fois en 1824 lors d’un procès politique : Condom, qui était dans l’opposition, vient d’être destituée de son siège électoral au bénéfice d’Eauze. Gounon et d’autres s’opposent à cette translation arbitraire et, au cours d’une bagarre, ils échangent quelques coups de cravache. Lors du procès, avec Gavarret pour avocat, ils sont acquittés.
Il défend des idées libérales sous la Restauration et sous la Monarchie de Juillet et est en constante opposition. En 1830 il s’empare de la mairie, refuse de prêter serment à Louis-Philippe et est vite remplacé par un riche propriétaire, Julien Canot.
Sous Louis-Philippe il refuse de payer l’impôt. Il est très proche des républicains de Condom et en particulier de Lebbé. Les républicains sont influents à Eauze et se retrouvent tous les jeudis à l’occasion du marché.
Représentant du peuple en 1848.
En février 1848, le sous-commissaire de Condom lui écrit : prenez en main l’administration communale (Eauze). Il constitue une commission de 8 membres. Son ami Gavarret l’intègre très vite dans la liste républicaine. Elu sixième représentant du peuple à l’Assemblée constituante, présenté à la fois par les conservateurs et les républicains modérés, il siège avec les républicains modérés. Il fait partie de la Commission du commerce et de l’industrie et défend la viticulture, s’élève contre l’impôt indirect sur les boissons : plus l’impôt est lourd et accablant, moins il y a de consommation, d’une part, et d’autre part plus les chances de fraude se multiplient. [58]
En 1849, sur la liste des républicains modérés, il n’est pas réélu à la Législative
Rallié à l’Empire, maire d’Eauze, sa gestion n’est pas toujours appréciée : il veut embellir la ville et assainir les fossés. On lui reproche aussi ses relations familiales et son caractère ombrageux
En 1851, maire d’Eauze, il doit faire face aux troubles : le 4 décembre, vers 11h, une cinquantaine d’hommes entrent à la mairie et demandent les armes de la garde nationale. Gounon refuse. Ils les prennent de force et se massent devant la mairie puis l’occupent pendant que d’autres font sonner le tocsin.
Gounon et le commissaire essaient de parlementer. Puis le maire demande aux gendarmes de retourner dans leur caserne. Le sous-préfet, en fin de journée, envoie un message annonçant que partout l’agitation est tombée. Les insurgés partent.
Et la répression commence. Les insurgés se cachent et Gounon offre l’asile de son château de La Pouche à plusieurs d’entre eux avant de leur faciliter le passage en Espagne. Il écrira : Je me suis fait chien de Terre-Neuve pour sauver les naufragés.
La société élusate reste marquée par l’état de siège. La municipalité ne peut fonctionner : le maire et les adjoints sont nommés mais les conseillers sont élus parmi les opposants. Le pouvoir central devra dissoudre plusieurs fois le conseil municipal.
Gounon redevient maire de 1854 à 1857 ce qui se traduit par un certain apaisement. De plus en plus modéré ou réaliste, il accepte de prêter serment à l’empereur. Les rédacteurs des notices de 1855 restent pourtant méfiants :
Considération dont il jouit, relations : a perdu beaucoup dans les temps qui ont suivi 1848. Très considéré du parti avancé qui attend tout de lui. A repris quelques relations avec les hommes d’ordre.
Influence : considérable à cause de sa popularité personnelle et à raison du crédit qu’on lui suppose.
Antécédents politiques : on lui croyait avant 1848 des opinions légitimistes. Il fut même le candidat de cette coterie à une élection politique. Il votait avec la gauche à l’assemblée constituante ; il a donné le triste exemple du refus de l’impôt.
Sentiments politiques réels : républicains.
Caractère, confiance à accorder : caractère aimable et insinuant mais n’offrant pas une constance suffisante pour former un homme politique complet sacrifiant beaucoup trop à la popularité, mais lié aujourd’hui d’une manière étroite à la destinée de l’Empereur il offre par sa position les garanties qu’il ne saurait donner par son caractère ou par ses principes. On prétend que M Gounon vise à devenir sénateur, je crois qu’il se bornera à demander un siège au corps législatif.
Et, aux législatives de 1857, il se présente contre le Comte Lagrange candidat officiel.
En 1860, d’après l’acte de décès, il est adjoint au maire, membre du Conseil général, délégué cantonal pour l’instruction primaire, membre du Bureau de bienfaisance d’Eauze, Président et fondateur de la Société de Secours mutuels d’Eauze
Les Elusates deviennent bonapartistes surtout après 1870 et le resteront jusque vers 1900 fortement influencés par les deux Cassagnac.
Jean Marie Lucien, né le 2 février 1816 à Condom n’est pas d’une famille de notables : il est fils de Jean Lamarque horloger à Condom et de Zoé Labit. Il meurt le 27 janvier 1886 à Condom (à son domicile rue Buzon) et ses obsèques civiles sont l’occasion d’une grande manifestation politique.
Son cousin germain, Jean Baptiste Lamarque, riche propriétaire joue un rôle important dans l’installation de la République à Fourcès.
Lucien Lamarque fait partie de la Loge L’auguste Amitié de Condom dont il est Vénérable en 1848.
Correspondant de L’ami du peuple[60], il s’est engagé jeune dans l’opposition clandestine comme en témoignent les rapports de police archivés par la préfecture de Toulouse[61] : il participait dès 1836 à des réunions de « carbonaris » ou de « communistes » à Toulouse, au Capoul, place Lafayette, infiltrées par un ou des espions qui ne signent pas leurs rapports. Lamarque y annonce le 16 janvier 1843 que Condom est organisée, que la garde nationale n’était pas désarmée et que l’on pouvait compter sur 300 hommes armés pour se porter sur les lieux de l’insurrection. Et le 7 février de la même année, grâce à cet espionnage, la police toulousaine découvre qu’il y a eu un banquet en octobre 1842 à Condom entre les agents de l’insurrection.
Considéré comme l’un des chefs « rouges » de Condom, il est parmi les premiers à organiser la République dans sa ville et est membre de la commission provisoire puis est nommé Sous-commissaire du gouvernement le 7 mars à Condom .
Le comité électoral d’Alem-Rousseau propose de choisir Lamarque comme candidat et dit de lui : d’opinions républicaines hautement prononcées. Dans son journal, L’étoile d’Aquitaine, le candidat écrit le 2 avril 1848 :
A mes concitoyens du Gers. Citoyens.
Par un excès de bienveillance dont je suis fier, plusieurs de mes amis ont proclamé ma candidature pour l’assemblée nationale. L’article continue par une profession de foi ; il est pour : un gouvernement républicain fort et démocratique ; le maintien inébranlable de la propriété et de la famille ; la consécration du droit au travail ; l’éducation nationale gratuite pour tous ; le vote universel. Le 23 avril le journal fustige les ridicules accusations de communisme à l’encontre de Lamarque.
Il est sur deux listes mais n’est pas élu (il n’a que 6 000 voix alors que Gavarret en a plus de 64 000).
L’étoile d’Aquitaine écrit le 12 novembre 1848 : Monsieur Louis-Napoléon Bonaparte, nonobstant l’insignifiance de sa personne et le ridicule de ses prétentions, exerce un certain prestige sur la population des campagnes […]. Le Prince Louis-Napoléon est aujourd’hui le drapeau de tous les partis réactionnaires coalisés. Le journal de Lamarque n’est pas aussi clairvoyant que celui d’Alem-Rousseau !
Le 26 novembre 1848, il préside le banquet et porte un toast à Ledru-Rollin l’ami, le défenseur des prolétaires et qui a pour devise : droit au travail, famille et propriété, trilogie sainte et indivisible.
Le parti « rouge » fonde L’égalité (1er numéro le 17 avril 1849) pour répandre les idées républicaines en particulier dans les campagnes ; le journal propose l’impôt progressif sur le revenu, l’exploitation par l’état des chemins de fer, des mines, canaux, banques, assurances ; il veut le service militaire obligatoire pour tous, l’instruction primaire obligatoire et gratuite. Ses rédacteurs ne se veulent pas socialistes. L’Egalité publie des Lettres aux paysans qui circulent en brochures. Ces brochures, dit le procureur de la République, sont transmises de la main à la main en cachette et sans publicité. Ce colportage n’étant pas public se devine bien plus qu’il ne se voit. Elles sont lues et commentées par les instituteurs. Ce journal est surveillé de très près : arrestations de colporteurs, perquisitions chez Lamarque président de la Solidarité républicaine supprimée par une simple circulaire du Ministère de l’Intérieur (mai 1849). Lamarque est l’un des avocats du journal L’égalité lors du procès des 18, 20 et 22 octobre 1849. Le gérant, Abadie, est condamné.
Sous la Présidence de Louis-Napoléon Bonaparte, il continue à s’opposer au pouvoir :
Le 24 février 1850 il préside le banquet républicain de Vic-Fezensac. En mai et juin 1850 des placards « incendiaires » sont affichés à Condom ; l’opinion en accuse les républicains ; les « quatre avocats rouges » de Condom protestent par une lettre publiée par la Constitution et L’ami du peuple. Le procureur général les traduit devant le conseil de l’ordre pour les faire radier en remarquant que Lamarque ne plaidant pas cela ne servira à rien. Le 22 novembre 1850, Lamarque et Dugarçon sont condamnés à 6 mois de suspension, Daulhième à 3 mois, Lassalle, avocat stagiaire, à la réprimande d’après Dagnan.
Lamarque est un ami de Duputz, le représentant, et de Noullens son secrétaire ; ils font des tournées ensemble dans le Gers.
Dans une lette à l’Ami du peuple Lamarque écrit le 11 juin 1851 : Condom a des alguazils, des mouchards, des délateurs des complots basés sur une chanson ou sur un paletot rouge[62], des arrestations, l’intimidation et la terreur. Tout est crime aux yeux de notre parquet : une couleur, un chant, une promenade nocturne… Partout, les républicains sont traqués, poursuivis, incarcérés, ruinés eux et leur famille… Mais nous demeurerons calmes.
En avril 1851, il devient Président de la société commerciale imaginée par Duputz pour sauver L’Ami du peuple. Le journal sera supprimé après le coup d’état à la suite de quatre procès.
La loge Auguste-amitié était la seule société secrète tolérée, elle réunissait les « rouges » (avocats, artisans, fonctionnaires révoqués, commerçants…) et était surveillée, Lamarque en est Vénérable en 1850 mais n’est pas réélu d’après le commissaire de police en septembre 1850. Interdite provisoirement le 15 avril 1851, elle est remplacée par des sociétés secrètes, promues par Lamarque, qui se multiplient. L’une d’elles se réunit au café Lestrade dans un faubourg de Condom. Des réunions ont lieu aussi à Eauze et dans de nombreux bourgs.
DUPUTZ Mathieu Edouard
D’après son acte de décès il est né à Bordeaux le 12 janvier 1812 ; il meurt à Vic-Fezensac le 25 avril 1883. Il est célibataire.
Il est percepteur mais est destitué en 1849 à cause de ses prises de position politiques. Il devient négociant. Avec Lamarque il fonde l’Etoile d’Aquitaine.
Dès le 26 février il s’engage et participe à la commission provisoire puis à l’organisation du banquet du 26 novembre.
Il fait partie de l’association Solidarité républicaine fondée par Ledru-Rollin le 4 novembre 1848 et a une grande audience au sein du parti montagnard dans le Gers mais aussi à Paris et à Londres.
Pour les législatives de 1849, Edouard Duputz est candidat sur deux listes : celle du journal L’égalité[63] et celle des républicains modérés. Le 28 avril 1849 L’égalité déclare adopter la ligne politique du Comité démocratique socialiste de Paris. Tous les candidats montagnards étaient tenus de souscrire aux six propositions du comité : 1) la République est au-dessus du droit des majorités – 2) si la constitution est violée les représentants du peuple doivent donner l’exemple de la résistance – 3) les peuples sont solidaires comme les hommes ; l’emploi des forces de la France contre la liberté des peuples est un crime…- 4) le droit au travail est le premier de tous les droits ; il est le droit de vivre ; la plus dure des tyrannies est celle du capital ; la représentation nationale peut et doit poursuivre l’abolition de cette tyrannie – 5) dans une nation libre l’éducation doit être pour tous gratuite, commune, égalitaire et obligatoire – 6) le rappel du milliard des émigrés est une mesure juste, utile, possible.
Représentant du peuple en 1849
Il est élu le 13 mai 1849 à la Législative, le 6ème sur 7 avec 30526 voix (sur 70087 votants, 96572 inscrits). Il siége à gauche et vote le plus souvent avec la « Montagne ». Victor Schœlcher le classe dans le groupe de 24 membres qui s’étaient détachés de la montagne pour quelques nuances d’opinion tout en conservant les mêmes principes.[64]
Chaque fois qu’il vient dans le Gers il est très surveillé ; le commissaire d’Auch écrit le 17 janvier 1850 : l’arrivée dans nos murs de M. Duputz, représentant montagnard, n’a donné lieu à aucune manifestation. Quelques amis politiques lui ont fait compagnie.[65]
Le 20 janvier 1850 à Condom, Duputz, « le chef des rouges », recommande à ses amis de se tenir prêts à combattre pour défendre la République car il faut s’attendre à un prochain coup d’état. Le 14 février il assiste à un banquet à Condom, la veille de son départ à Paris. Duputz a sa sérénade le 25 août. ; une autre le 6 septembre (17 musiciens).
Duputz, explique ainsi la victoire de Louis-Napoléon Bonaparte aux élections présidentielles (le 15 février 1851 dans L’ami du peuple) : il n’était pas un paysan pour qui l’élection de Louis Napoléon Bonaparte ne signifiât remboursement des 45 centimes.
Septembre 1851, nouveau banquet à Lectoure où il aurait exhorté à descendre en armes dans la rue au premier signal pour défendre la constitution.
Quand L’Ami du peuple est menacé, Duputz a l’idée de l’organiser en société commerciale avec un fonds d’exploitation de 30 000 francs constitué par 30 000 actions nominatives de 1 franc, accessibles aux démocrates les plus pauvres. Le 25 octobre 1850 L’ami du peuple publie les statuts de la nouvelle société en commandite. Mais la souscription traîne jusqu’en avril 1851. La société se réunit début avril et le bureau est élu : L. Lamarque (Condom) préside; Duputz, le principal actionnaire, est le directeur politique de la feuille montagnarde ; il envoie de Paris le rédacteur en chef Benjamin Gastineau collaborateur au journal La voix du peuple. 200 abonnés. L’Ami du peuple sera supprimé lors du coup d’état après avoir subi quatre procès. Duputz pendant tout ce temps incite le journal à rester franchement dans la ligne démocratique, socialiste et révolutionnaire. A négliger les personnes pour exposer les principes. L’Ami du peuple fulmine contre les républicains modérés qui semblent relever la tête en décembre 1851. Quand, devant les menaces de coup d’état, un rapprochement avec Alem-Rousseau est envisagé, Duputz refuse.
A la veille du coup d’état il inspire une brochure et en paie les frais d’impression pour venter la candidature de Ledru-Rollin en 1852 ; pour cela il faut faire obstacle à une candidature qui serait issue d’une fusion de la montagne et des républicains modérés. Il pense que la montagne va se rallier à la candidature de Carnot. Dans cette brochure il oppose la population ouvrière menée par des chefs qui veulent substituer la propriété collective à la propriété individuelle, à la population rurale réfractaire aux systèmes socialistes. Mais la brochure ne fut pas publiée à cause du coup d’état.
Le département dès le début de la Seconde République s’est distingué par son agitation, selon les termes des commissaires de police ; dans une lettre du 10 août 1848 le ministère de l’intérieur s’inquiète : je suis informé que les anarchistes s’agitent dans votre département et cherchent à s’organiser dans les loges maçonniques.[66] Dans l’arrondissement de Condom surtout mais aussi à Auch les « rouges » restent actifs pendant les trois années de la République. Par contre l’arrondissement de Lombez a basculé à droite dès juin 1848. Après une courte insurrection en décembre 1851 suivie de la répression, le département devient beaucoup plus calme sinon résigné.
Annexe
Les principales dates de la Seconde République
22-24 février 1848 : 3 journées révolutionnaires. Chute de la monarchie. Constitution d’un gouvernement provisoire dirigé de fait par Lamartine, avec Ledru-Rollin au ministère de l’Intérieur.
25 février 1848 : proclamation de la République
5 mars 1848 : décret instituant le suffrage universel masculin
23 avril 1848 : élection de l’Assemblée constituante
27 avril 1848 : publication du décret abolissant l’esclavage, rédigé par Victor Schœlcher
15 mai 1848 : le peuple de Paris envahit l’Assemblée
23-26 juin 1848 : « Journées de juin » : insurrection ouvrière à Paris, réprimée par l’armée commandée par le général Cavaignac.
28 juin 1848 : Cavaignac nommé président du Conseil.
17 septembre 1848 : élections partielles, Louis-Napoléon Bonaparte est élu à Paris
2 au 4 novembre 1848 : vote de l’ensemble de la Constitution qui est proclamée le 21 novembre
10 décembre 1848 : élection du président de la république au suffrage universel masculin : Louis-Napoléon Bonaparte est élu avec plus de 5 400 000 voix contre Cavaignac, Ledru-Rollin, Raspail, Lamartine (dans le Gers il obtient 57 253 suffrages, Ledru-Rrollin 9 125, Cavaignac 5 946 ).
13 mai 1849 : élections de l’Assemblée législative
2 décembre 1851 : coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte. Insurrection à Paris les 2 et 3 ; dans le Gers du 3 au 5, dans 14 cantons sur 27. Proclamation de l’état de siège le 8 décembre dans le Gers en particulier. Durera jusqu’au 7 avril 1852.
21 décembre 1851 : plébiscite pour ou contre une constitution qui donnait pour 10 ans beaucoup de pouvoirs au président (7 millions et demi de oui, contre 640 000 non)
Répression judiciaire dans le Gers en décembre 1851, renforcée par la création le 3 février 1852 des commissions mixtes.
29 février 1852 : Elections législatives
21 novembre 1852 : 2ème plébiscite rétablissant l’empire
2 décembre 1852 : proclamation officielle du Second Empire.
[1] Les acteurs que j’ai étudiés sont ceux qui apparaîtront dans le « Dictionnaire du personnel politique de 1848 », Edition Nouveau Monde, dirigé par Eric Anceau et d’autres professeurs de la Sorbonne. C’est à dire : les préfets, sous-préfets et les députés élus en 1848. J’ai vérifié leur état civil ou utilisé celui donné dans le livre publié par l’Association du corps préfectoral ( Bargeton, Bougard, Le Clère et Pineau : Les préfets du 11 Ventôse an VIII au 4 septembre 1870. Répertoire nominatif et territorial. Paris Archives nationales.1981). Les exceptions sont mentionnées.
[2] Pour ne pas alourdir le texte je ne redonnerai pas en notes les références bibliographiques qui suivent :
Ø J. DAGNAN : Histoire politique de la Province. Le Gers sous la Seconde République
Tome I : La réaction conservatrice (février 1848-2décembre 1851)Auch 1928
Tome II : Le coup d’Etat (décembre 1851-décembre 1852) Auch 1929.
Ø Biographie des 900 Représentants à la Constituante et des 750 représentants à la Législative session 1849
Ø Le Gers. Dictionnaire biographique de l’Antiquité à nos jours. Sous la direction de G. COURTES. Publié par la Société archéologique du Gers.
Ø ROBERT et COUGNY Dictionnaire des Parlementaires de 1789 à 1889
Ø LESAULNIER : Biographie des 900 députés à l’Assemblée nationale 22 août 1848
Ø Aux archives de la Haute-Garonne et du Gers, l’état civil a été mis à contribution ainsi que la correspondance préfectorale, les journaux et les rapports de police dont les « notices sur les notable », de 1855 ( 1 M 235 aux AD du Gers), sources qu’il faut manier avec précaution.
[3] AD Haute-Garonne : 4M 62
[4] AD Haute-Garonne : 4 M 61 : Lettre du 9 mars 1848 de Pégot-Ogier à Joly
[5] L’Histoire n° 307 de mars 2006 : dossier Liberté ! La révolution des Lumières. En particulier l’entretien avec Daniel Roche et l’article d’Antoine Lilti sur la diffusion des Lumières.
[6] Bulletin de la société archéologique du Gers 1927 : G. Brégail : Le marquis d’Orbessan. Et 1936 : Le Président d’Orbessan et son foyer artistique et intellectuel. 1716-1796
[7] Bulletin de la Société archéologique du Gers 1936 : G. Brégail : Le Président d’Orbessan et son foyer artistique et intellectuel 1716-1796.
[8] Journal official de la Monarchie, puis de la République, puis de l’Empire ; c’est le JO actuel.
[9] AD Gers : 1M 242
[10] AD Haute-Garonne : 4 M 61 Lettres à Joly
[11] AD Haute-Garonne : 4 M 61 Lettres à Joly
[12] AD Gers : 1 M 278
[13] AD Gers : Journal du Gers Le pays du 16 septembre 1848
[14] AD Gers : Le pays du 23 septembre 1848
[16] AD Gers : Journal L’opinion
[17] AD Gers : Journal L’égalité : 1er numéro le 17 avril 1849 rédigé par des démocrates d’Auch et de Condom
[18] Lepeletier, nom du Jacobin qui avait voté la mort du roi et qui avait fait voter une loi supprimant le crime de blasphème passible de la peine de mort sous l’Ancien Régime. Assassiné le 20 janvier 1793, il avait été transporté au Panthéon et considéré comme un martyr de la Révolution.
[19] Bulletin de la Société archéologique du Gers 1902 et 1903 : G Brégail : Luttes politiques des Girondins et des Montagnards dans le département du Gers et Un révolutionnaire gersois : Lantrac
[20] Annuaire du département du Gers. Auch chez F Labat imprimeur de la Préfecture rue Dessoles.
[21] Biographie par J. Noulens directeur de la Revue d’Aquitaine et inspecteur des monuments du Gers. Paris. Dumoulin , libraire-éditeur de l’école des chartes Quai des augustins 13 (AD du Gers)
[22] Bulletin de la Société archéologique du Gers 1980 : André Péré : Les David une famille auscitaine de magistrats et d’hommes politiques.
[23] Articles cités note 18
[24] BSAG 1963 : J. Cavé : La Société départementale d’agriculture dans ses efforts pour le reboisement de 1797 à 1830
[25] 1M242 et 1M247
[26] Sous la direction de Georges Courtès : Deux siècles d’histoire de Lectoure 1780-1980. Georges Courtès : Personnalités politiques du XIXème siècle. Publié par la Société archéologique du Gers
[27] Bargeton, Bougard, Le Clère et Pineau Les préfets du 11 Ventôse an VIII au 4 septembre 1870. Répertoire nominatif et territorial. Paris Archives nationales.1981. Publié par l’Association du corps préfectoral
[28] Bulletin de la société archéologique du Gers : 1969 : André Lagarde : les origines du Maréchal Lannes
[29] plaque de l’Hôtel de ville de Lectoure : don à la ville du château du Maréchal par sa veuve et ses enfants le 1er septembre 1819.
[30] AD Gers : 3 J 34. Ainsi que : Lectoure 1769-1969 publication du bi-centenaire de la naissance du Maréchal Lannes. Publié par la Société archéologique du Gers.
[31] Base Leonore. Centre historique des archives nationales.
[32] Bulletin de la société archéologique du Gers 1961 : Guy Palmade : Le département du Gers à la fin du Second Empire.
[33] AD Haute-Garonne : Lettres de Pégot-Ogier à Joly de mars 1848. 4 M 61.
[34] AD Gers : 1 M 266
[35] AD Haute-Garonne : lettre de Pégot-Ogier à Joly : 4 M 61
[36] AD Gers : 1 M 266
[37] COURTÈS Georges (sous la direction de) Sous-préfets et sous-préfectures du département du Gers 1800-2000. Société archéologique, historique, littéraire et scientifique du Gers.
[38] AD Gers : Journal conservateur L’opinion
[39] AD Gers : Journal républicain Le Pays
[40] Archives municipales de Lectoure: recensements de 1846, 1876 et 1881
[41] AD Gers : 1 M 66
[42] COURTÈS Georges (sous la direction de) Sous-préfets et sous-préfectures du département du Gers 1800-2000. Société archéologique, historique, littéraire et scientifique du Gers.
[43] Le franc républicain journal républicain créé par Canteloup contre Alem, le 23 mars 1848.
[44] BSAG 1991 : G de MONSEMBERNARD : L’évolution politique du Gers de 1848 à 1940 à travers l’élection du Conseil général
[45] Alain GEAY : Condom et les Condomois. Passé Simple. Editions Alan Sutton.
[46] Jeanne Gilmore : La république clandestine 1818-1848. Aubier. Histoire
[47] Bulletin de la société archéologique du Gers 1961-1962 : Paul MESPLÉ : L’opposition condomoise sous la monarchie de Juillet et la Révolution de 1848 en Gascogne
[48] Avec l’aide d’un descendant de la famille Dubarry de Lassale, Philippe Saint-Aubin.
[49] Bulletin de la société archéologique du Gers 1991 : G de Monsembernard L’évolution politique du Gers de 1848 à 1940 à travers l’élection du Conseil général
[50] AD Gers : extrait du registre des délibérations du Conseil Général du Gers, séance du 1er septembre 1845
[51] AD Gers 2 M10
[52] Sous-préfets et sous-préfectures du département du Gers 1800-2000. Sous la direction de Georges Courtès. Edité par la Société archéologique, historique, littéraire et scientifique du Gers
[53] Sur quatre sous commissariat je n’en ai quand même qu’un seul qui marche convenablement, celui de Condom. Lettre adressée par Barousse au Commissaire général le 11 mai 1848. AD Haute-Garonne 4 M 61.
[54] AD Gers : Journal L’étoile d’Aquitaine. Rédacteur en chef : Etienne Lamarque, soutenu par Ledru Rollin. Hebdomadaire montagnard du dimanche qui paraît du 25 août 1845 au 24 juin 1849.
[55] Eauze terre d’histoire. Coordination Jeannine Lemaire conseillère municipale.
[56]Je n’ai pas trouvé l’acte : les registres d’Eauze sont en très mauvais état et l’année 1800 absente.
[57] Etat civil : AD Gers : 5 E 26184
[58] discours publié par Le Moniteur universel du 20 juin 1848.
[59] AD Gers. : Journal L’étoile d’Aquitaine.
[60] L’Ami du peuple, journal national dirigé par Raspail pendant la Seconde république.
[61] AD Haute-Garonne : 4 M 123 : Rapports sur les francs-maçons et les carbonaris.
[62] Allusion à « l’homme rouge » , Pierre Arnoux, compagnon charpentier, poursuivi parce qu’il portait un paletot rouge
[63] Le journal est surveillé et harcelé par le commissaire de police : Rapports de situation politique, morale et matérielle AD Gers 1 M 278
[64] Victor Schœlcher : Histoire des crimes du 2 décembre. Bruxelles chez les principaux libraires, édition considérablement augmentée. 1852. Tome II Chapitre IX : La Résistance a été faite principalement par la bourgeoisie. (sur site : 1851.fr)
[65] AD Gers 1 M 278
[66] AD Gers 1 M 278
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Article écrit par Renée Courtiade, et publié sur mon Blog avec son autorisation :
Article publié dans le Bulletin de la Société archéologique, historique, littéraire et scientifique du Gers, numéro 387 – 1er trimestre 2008
Société archéologique du Gers – 13 place Saluste du Bartas BP 16 32001 Auch cedex www.societearcheologiquedugers.com
Les acteurs de la Seconde République dans le Gers par Renée COURTIADE
A Lombez, la république contestée
L’arrondissement de Lombez dans les premiers mois de la République suit le sort commun mais avec une spécificité pointée par le sous-commissaire Belliard dans une de ses lettres[1] : un déficit de républicains convaincus face à la forte influence d’un légitimiste, de Panat. Celui-ci n’est pas élu en mars mais entre à l’Assemblée constituante le 4 juin à la faveur d’une élection complémentaire.
C’est l’héritier de familles de la noblesse régionale[5]. Son père Dominique François Joseph de Brunet de Castelpers[6] est né à Albi. Après avoir fait des études brillantes au collège de Sorrèze, il s’engage, à 16 ans, dans l’infanterie. C’est le 1er Marquis de Panat ; il habite le plus souvent Paris chez son oncle le Cardinal de La Rochefoucauld. Il y fréquente le salon d’une parente du côté maternel, la duchesse d’Anville ce qui lui permet de rencontrer d’Alembert, l’abbé Mably, Condorcet, Diderot… Il est alors membre de la Loge La parfaite intelligence (1780-1787) tout en restant fidèle à Dieu et à son Roi.
Ce premier Marquis de Panat revenait souvent à Albi où il était très populaire : fermeté tempérée par la plus grande bonté, la plus exquise sensibilité du cœur malgré une extrême vivacité dans le caractère.
Après son mariage, le 16 mai 1786 à Toulouse, avec Guillemette Paule Marie Victoire de Rudelle d’Alzon, sa belle-famille, originaire de L’Isle-Jourdain, exige qu’il renonce à l’armée ; il s’installe alors à Toulouse où il est élu au Conseil municipal deux fois et est Conseiller au Parlement de Toulouse.
En 1787 il est reçu à l’Académie des Jeux Floraux, en devient « Mainteneur »[7] et, en 1788, prononce l’éloge de Clémence Isaure. Il a écrit des poésies et des pièces de théâtre qu’il a détruites.
Élu à l’unanimité par la noblesse aux États Généraux, il rentre dans le Gers quand ceux-ci se transforment en Assemblée nationale puis émigre à Londres où il meurt le 19 juin 1795 à 43 ans.
Dans ses proches ancêtres, les vicomtes de Cadars apparentés aux Toulouse-Lautrec, servirent assez souvent dans la Royale[8].
Le Représentant du peuple en 1848, Samuel de Panat, est donc Lislois par sa mère Guillemette Paule Marie Victoire de Rudelle d’Alzon, dont le père est seigneur de Molas, Labarthère, co-seigneur de Colomiers et autres lieux. Elle a apporté à son mari une maison et des dépendances au centre de l’Isle-Jourdain là où sera construit le château de Panat. Ce château n’est pas le château seigneurial des Comtes Jourdain qui a été rasé en 1621. Il est construit à la fin du XIXème siècle dans le style Renaissance espagnole.
Une légende cour sur la naissance de Dominique Samuel Joseph Philippe ; elle est racontée par son biographe J Noulens et circule oralement encore actuellement avec son dicton :
En automne1786 la femme du Marquis de Panat s’étrangle avec une arête de carpe, elle est inhumée avec sa robe de bal et tous ses bijoux dans le caveau que possédait la famille dans l’église de la Daurade à Toulouse. Deux serviteurs la sortent du cercueil, la volent et la brutalisent pour se venger : coup de poing dans la nuque, éternuement de la Dame qui peut rentrer chez elle !Six mois plus tard naît Dominique Samuel Joseph Philippe. D’où le dicton :
Aco es moussu de Panat
que fougüet puleü mort que nat
Ceci est monsieur de Panat qui fut mort avant d’être né.
Élevé en Angleterre, rentré en France en 1803, Samuel de Panat commence très jeune en diplomatie. Auditeur de 1ère classe au Conseil d’État le 19 janvier 1810… Le 20 novembre 1810 Napoléon lui donne des pouvoirs spéciaux pour les Indes Orientales (Java). A son retour, il annonce la prise de Java par les Anglais, Napoléon marque son mécontentement ; il répond J’y étais, sire, et vous n’y étiez pas ![9]
Il est attaché à l’ambassade de France à Varsovie en 1811 et quelques mois plus tard, Napoléon l’utilise comme intermédiaire entre les généraux étrangers combattant à ses côtés pendant les campagnes de Russie en 1812.
Puis il est nommé adjoint au commissaire extraordinaire dans la 10ème division militaire le 26 décembre 1813. Il assiste à la bataille de Toulouse.
A la Restauration, il s’engage à Bordeaux dans les volontaires royaux et devient trois mois plus tard secrétaire de légation en Sicile. Il refuse de rentrer en France pour les Cent Jours et est proscrit le 10 avril. Il quitte Palerme pour rejoindre l’armée royaliste du Duc d’Angoulême.
Après la 2ème Restauration, il est 1er secrétaire d’ambassade à Naples puis chargé d’affaires dans la même ville où il séjourne de 1917 à 1919. Il démissionne en 1819 pour se retirer dans le Gers où il est nommé conseiller général. Débute alors une double carrière politique et préfectorale : sous-préfet de Bayonne (22 septembre – 20 octobre 1824), député du Grand collège du Gers le 25 novembre 1827 jusqu’en 1830, il vote contre les 221. Préfet du Cantal du 30 mars au 23 avril 1828. Il démissionne et se retire à nouveau dans le Gers où il est, sous Louis-Philippe, l’un des chefs de l’opposition légitimiste. Candidat aux élections législatives de 1831, de 1835, il est élu député du Gers pour l’arrondissement de Lombez le 2 mars 1839, et à nouveau le 9 juillet 1842. Il vote contre les dotations princières, le droit de visite, l’indemnité Pritchard, la loi de régence, les fortifications de Paris. Il est battu en 1846.
Parallèlement il s’investit fortement dans la vie du département : maire de l’Isle-Jourdain de 1821 à 1824 ; puis conseiller général de ce canton sous la Monarchie de Juillet; membre pour ainsi dire permanent du Conseil municipal de L’Isle-Jourdain et du Conseil général.
Le Marquis de Panat épouse Françoise Joséphine Eléonore Hocquart fille de Mathieu Louis Hocquart ancien avocat général de la Cour des Aides à Paris, 1er Président de la Cour royale de Toulouse et « Mainteneur » des Jeux Floraux en 1806.
Samuel de Panat, homme de lettres, très éloquent, continue la tradition familiale : membre de l’Académie des jeux Floraux dès 1821 puis Secrétaire perpétuel en 1828 enfin Mainteneur en 1851[10] .
L’influence politique du Représentant du peuple
En 1821 il est maire de L’Isle-Jourdain. De 1827 à 1830, député puis, presque sans interruption, de 1839 à 1851.
Dans tout l’est du département, il jouit d’une position d’ancien régime : grand aristocrate, grand propriétaire terrien[11] ; si ses techniques agricoles sont très avancées comme en témoigne son engagement dans la Société d’agriculture de la Haute-Garonne[12], son emprise politique reste traditionaliste. Son paternalisme condescendant lui attache ses centaines de paysans respectueux et dociles ainsi que la multitude de ses clients.
Sous la 2ème République, il est battu lors des élections au suffrage universel d’avril puis élu représentant du peuple lors des élections complémentaires du 4 juin 1848.
La conjoncture locale lui est favorable : la contribution financière de 45 centimes (décret du 16 mars) frappe surtout les petits agriculteurs aux terres morcelées ; la grêle accroît la misère des paysans ; les maires et percepteurs se dérobent pour le recouvrement des 45 c. De nombreux paysans refusent de payer.
L’impopularité de cet impôt retombe sur les républicains modérés et favorise de Panat qui est élu aussi bien lors des élections nationales que locales : représentant à l’Assemblée constituante lors de l’élection partielle du 4 juin 1848 avec 9367 voix, sans le soutien d’aucun journal mais avec les voix de tous les conservateurs.
En juillet, le Conseil général n’accueille que quatre républicains : Dansos (Jegun), Gavarret (Condom), Nabos (Marciac), Dagé (Miélan) ; il a pour Président pendant quelques mois Paul Joseph Marcel de Puymirol très vite remplacé, en 1849, par de Panat. L’été 1848 le voit aussi entrer au Conseil municipal de L’Isle-Jourdain dont il est nommé maire au bénéfice de l’âge (il avait été élu à égalité avec Vigneaux, maître de poste).
A l’Assemblée constituante, sans surprise, il vote pour les poursuites contre Louis Blanc et Caussidière et pour l’interdiction des clubs, contre l’abolition de la peine de mort et l’impôt progressif et contre l’amendement Grévy qui voulait supprimer de fait la magistrature présidentielle de peur d’un pouvoir fort ; ainsi il participe avec 642 autres au choix d’une élection du président par le peuple. Et il vote pour l’ensemble de la constitution. Mais, clairvoyant en même temps que légitimiste, il est le seul député du Gers à voter pour la proposition d’empêcher Louis-Napoléon Bonaparte d’être candidat.
La singularité de l’arrondissement de Lombez transparaît lors des présidentielles : Louis-Napoléon Bonaparte obtient 760 voix ; Ledru-Rollin, 595 et Cavaignac, 158 ; résultats électoraux nettement différents de ceux du reste du département.
De même, le plébiscite n’apporte que 67 % de oui. Ces résultats sont certes dus aux légitimistes enrôlés sous la bannière du marquis, mais aussi à tous les républicains, instituteurs, hommes de lois, commerçants pour lesquels la lutte contre le pouvoir local d’essence monarchique est quotidien. C’est le travail de sape d’un républicain militant, Maurice Delieux, propagateur de la feuille montagnarde L’Égalité. Les républicains actifs sont peu nombreux à L’Isle-Jourdain.
Le Marquis de Panat est à nouveau élu représentant du peuple le 13 mai 1849, soutenu cette fois-ci par l’Opinion et le parti de l’ordre mais aussi par les bonapartistes ; il siège à l’Assemblée législative dans les rangs de la majorité monarchique favorable à la restauration des Bourbon et est nommé Questeur de l’Assemblée nationale.
De Panat, en conformité avec ses idées légitimistes, réagit au coup d’État et participe au mouvement de rébellion des 220 représentants tant légitimistes que républicains modérés, alliés pour quelques jours. Cela lui vaut un peu de prison au Fort de Vincennes.
Il se retire dans le Gers où il continue sa carrière politique locale et où il reste très influent : ainsi aucune fête n’est organisée pour marquer le nouveau régime impérial.
Il est Conseiller général pendant 20 ans et Président du 26 août 1849 au 25 août 1850 et du 25 août 1851 à la fin de l’année[13] . Et reste très influent dans sa ville de L’Isle-Jourdain dont il est conseiller. Catholique traditionaliste, il s’appuie sur l’Église. Il soutien en 1849 l’implantation d’écoles chrétiennes à L’Isle-Jourdain, ville du Gers où elles seront les plus nombreuses, ce qui déclenche un conflit scolaire qui va durer des décennies (en 1868 l’Inspecteur d’Académie doit annuler la décision du maire de l’époque, le petit-fils, Samuel de Panat, qui avait fermé l’école publique)[14].
Dominique Samuel Joseph Philippe de Panat s’acquitte d’une autre charge : il a eu 6 enfants qui sont morts avant lui (le second a suivi la tradition familiale : Joseph Léopold, enseigne de vaisseau, est mort à 22 ans lors d’une expédition française le long de l’Amérique du Sud, au large de Montevideo en 1846). Il a donc élevé ses 13 petits-enfants. L’aîné s’appelait Samuel comme son grand-père.
Deuxième partie
Une insurrection très vite réprimée
(décembre 1851-printemps 1852)
Les républicains savaient que se préparait un coup d’état ; ce qui ne les empêchait pas d’espérer que l’élection présidentielle de mars 1852 changerait la donne et d’œuvrer dans ce sens; ils oscillaient ainsi entre lucidité et foi en leur force. Le 28 novembre 1849, l’éditorial de L’Égalité journal édité dans le Gers prévient : Tandis que trop d’indices laissent voir clairement que l’entourage de l’Élysée n’a pas renoncé à ses projets insensés ; qu’il rêve toujours un coup d’état, et que tous ses efforts tendent à assurer sa réussite ; tandis qu’on flatte l’armée pour la gagner, des émissaires sous l’habit de travail se répandent dans les faubourgs, dans les centres ouvriers disant que la République est reconnue impossible et qu’il faut se livrer à une royauté ; n’importe laquelle […] Oui la république est incessamment menacée.[17]
Cette vigilance est très répandue chez les républicains comme l’écrit Maurice Agulhon : un éveil populaire se fait en province à la faveur des formes toutes neuves que prend la vie publique, au moment même, où, à Paris, le prolétariat aurait quelque raison d’être déçu ; et plus loin il insiste : l’important est de se représenter, en ce deuxième versant de l’année 1848, à côté d’un Paris traumatisé, une province non remuante certes mais animée.[18]
Pour préparer l’avenir quel qu’il soit, les républicains s’efforcent de répandre leurs idées, d’éduquer le peuple, partout, dans les villes comme dans les campagnes. Ainsi, dans le Gers, les républicains privilégient cette éducation populaire, en particulier ceux que l’on appelle les « rouges » et qui se définissent eux comme républicains-socialistes. Leurs journaux sont répandus à travers la campagne par les colporteurs, lus et commentés par les instituteurs, dans les sociétés secrètes, les loges maçonniques, dans les cafés, les marchés… Les réunions informelles se multiplient. L’Égalité publie des Lettres aux paysans qui circulent en brochures. Comme partout dans le pays, des associations de secours mutuels se créent, impulsées par les républicains ; et le journal L’Ami du Peuple en annonce la création : associations des maçons-tailleurs de pierre, des ouvriers menuisiers… en septembre 1851.[19]
Un autre exemple très proche du Gers : en avril 1849, le sous-préfet de Muret signale que la brigade de gendarmerie a saisi le 19 du courant dans la commune de Mondavezan, plusieurs feuilles imprimées avec des caricatures injurieuses dirigées contre M le Président de la République.[20] Le fils du maire les faisait circuler ; elles expriment bien l’inquiétude des républicains.
Réactions au coup d’État
L’Opinion, le journal conservateur, a réagi de la même façon… pendant deux jours. L’éditorial du 3 décembre : le règne de la loi est méconnu. Nous protestons contre une pareille catastrophe et nous espérons qu’elle ne passera pas en fait accompli. En attendant, nous ne pouvons qu’applaudir au langage que nous font entendre les autorités de la ville et du département.. Le 4 décembre encore le rédacteur en chef, E. Disant, parle de l’acte sauvage qui vient de s’accomplir à Paris. Et rajoute, entre autres déclarations commençant par un veut-on qui semble vouloir adoucir le propos : Veut-on que nous soyons réduits à cette honte d’acclamer un César de contrebande et un empereur de raccroc ? Mais le 5 décembre il annonce que le Procureur menace de suspendre le journal. Commentaire : Il n’y a plus désormais de liberté de la presse en France. Et il rentre dans le rang. Les journaux suivants racontent de façon succincte les évènements locaux.[22]
Le ton est donné. Presque partout dans le Gers, les Républicains protestent et en certains lieux organisent l’insurrection. Ils s’appuient sur la Constitution comme l’on fait 220 représentants du peuple à Paris en votant la déchéance et la mise en accusation de Louis-Napoléon Bonaparte.[23] Les Montagnards, eux, ont formé un comité de résistance autour de Schœlcher, Carnot et Victor Hugo ; ils appellent le peuple à l’insurrection[24] ; Noullens, le secrétaire de Duputz, s’en fait l’écho dans une lettre lue par Lamarque le 4 décembre à Condom..
Les villes sont bien plus quadrillées par la police et l’armée ; les sociétés secrètes (ou appelées ainsi par la police) noyautées ; en quelques heures toute velléité de résistance est anéantie : les barricades parisiennes dressées dans la confusion sont démantelées en deux jours ; à Toulouse l’opposition menée par Joly écrit et publie une proclamation mais la manifestation est dispersée en quelques minutes. Le Préfet Pietri fait arrêter les signataires sous l’inculpation de complot contre la sûreté de l’État. Les journaux sont suspendus ou saisis. C’est la fin de L’émancipation, La civilisation, La Gazette du Languedoc. Interdiction de toutes les réunions. 200 arrestations dont Pégot-Ogier, ancien Commissaire de la République dans le Gers.[25]
Dans le Gers, on croit en la possibilité de résister ; et c’est l’effervescence, dès le 3 décembre. De fait les quelques gendarmes sont vite dépassés. Mais là comme ailleurs le coup de semonce vient de la ville principale.
A Auch se déclenchent deux évènements bien connus ; le premier autour d’Alem-Rousseau rue Balguérie (actuelle rue Alem-Rousseau) dans les bureaux du Démocrate (nouveau journal créé par Alem le 6 novembre 1851) où est rédigé une protestation. Voici comment cet épisode est décrit par un rapport de police consacré à Alem[26] : il a publié dans la journée du 4 décembre une protestation dans laquelle il qualifie le Président de la République d’ambitieux, de conspirateur permanent, de factieux et de traître. Il déclare que le Président et tous les pouvoirs sont déchus, qu’ils doivent être traités en insurgés […] Le même jour, il se met en rébellion contre l’autorité du commissaire de police qui, accompagné d’un détachement de soldats, était chargé d’opérer la saisie de la feuille qui contenait cet article ; et lorsque le Procureur de la république, suivi d’un escadron de hussards, se présente lui-même pour assurer la saisie et maintenir force à la loi, Alem-Rousseau oppose, malgré les sommations légales, la plus vive résistance, fait appel aux attroupements qui l’environnent et va jusqu’à qualifier le Procureur de la République de factieux, jusqu’à le déclarer déchu de ses fonctions, jusqu’à requérir le commandant du détachement de hussards d’arrêter ce magistrat. Enfin, il ne cède que vaincu par les charges de cavaliers.
Dagnan[27] en fait un récit très vivant. Le Procureur veut emprisonner Alem, Boubée et les autres mais le maire Soullier menace de démissionner. Ils sont donc relâchés dans la confusion.
Pendant ce temps Canteloup et les « rouges » essaient de rameuter les habitants de la ville. Et, dans les campagnes, se constituent des colonnes de paysans, de petits artisans qui marchent sur Auch ; ils échouent en fin d’après-midi à l’entrée de la ville aux alentours de l’Oratoire. Fourbus, affamés, mal préparés, dispersés le long des talus pour manger le pain apporté par la Mairie, ils sont défaits par 80 hussards. Trois militaires sont tués[28].
Arrondissement de Condom
A l’annonce du coup d’état du 2 décembre, Lamarque tente de soulever le Condomois : le 3 décembre vers 8 h du soir il organise et préside une réunion de 500 à 600 républicains chez le négociant Dupuy (quartier de la Bouquerie) à Condom ; c’est le lendemain, au café Lestrade, qu’il lit la lettre de Noullens annonçant le soulèvement des faubourgs de Paris. L’insurrection est décidée. Une commission révolutionnaire de 25 membres est élue, présidée par Lamarque. Elle occupe la mairie. A la nouvelle de la défaite à Auch, le 5 décembre, la commission démissionne.
Dans l’arrondissement, c’est Gondrin qui a le plus bougé : après avoir élu par acclamation une commission provisoire, le 5 décembre, les hommes s’arment. L’agitation dure quelques heures.
Le même jour, à Eauze, le maire Gounon, tient tête aux insurgés qui ont occupé la mairie et se sont emparés des fusils ; ils renoncent quand ils apprennent l’échec de Condom. Dans la plupart des bourgs le même scénario se répète.
Arrondissement de Mirande
Les troubles dans l’arrondissement de Mirande dépassèrent en durée et en gravité ceux des trois arrondissements d’Auch, de Condom et de Lectoure. Six cantons sur huit participèrent au mouvement insurrectionnel, et Mirande demeura trois jours, du 4 au 7 décembre, au pouvoir des républicains.[29] . Mirande n’avait pourtant pas eu d’élu en 1848 ni en 1849 ; mais des républicains ardents, tel que le vétérinaire Cantaloup, veillaient au grain ; Cantaloup, le 3 décembre, participe à la réunion de L’Ami du Peuple à Auch et, la nuit suivante, lors d’une réunion au café Pech à Mirande, l’insurrection est décidée, une commission révolutionnaire constituée ; puis la mairie et la sous-préfecture sont occupées. Trois jours d’insurrection qui se terminent par une reddition : les 5000 à 6000 insurgés rassemblés à Mirande, découragés par l’annonce de l’arrivée de troupes venant de Toulouse et de Tarbes, acceptent de se séparer, dans la nuit du 6 au 7 décembre. Les chefs de la rébellion, Boussès, Pascau, Passama et Lasserre se constituent prisonniers.
Arrondissement de Lectoure
La ville de Lectoure a marqué très fortement son opposition dès décembre 1848 ; elle est en effet le seul chef-lieu d’arrondissement, lors des élections présidentielles, à avoir placé en tête Ledru-Rollin avec 934 voix contre 233 à Cavaignac et seulement 180 à Louis-Napoléon Bonaparte. Dans les mois suivants, elle s’est arc-boutée dans cette attitude et cela malgré la répression : la municipalité reste dans l’opposition soutenue par une grande majorité de la population. Le sous-préfet multiplie les actes d’intimidation et même de répression : dissolution de la Société lectouroise de Bienfaisance mutuelle soupçonnée d’être un foyer de propagande ; appel à renfort militaire à l’occasion des élections législatives du 13 mai 1849… L’arrivée du demi-escadron de Chasseurs est ressentie par la municipalité comme une atteinte à ses droits ; elle démissionne le 16 mai ; le 22 juillet les 14 conseillers démissionnaires sont tous réélus ; le préfet nomme Sylvestre, de la minorité, mais devant l’hostilité il démissionne avec les 6 autres de sa tendance ; le 11 novembre 7 républicains sont élus.
Les républicains modérés se retrouvent à l’auberge Pichague ; les « rouges » au café Pepet
Le sous-préfet exige la fermeture des cafés à 11 h du soir ; refus du maire ; le préfet prend un arrêté ; le maire, Barrau, refuse de le publier, le juge illégal et fait afficher une protestation.
Barrau et le conseil municipal ripostent par des actes d’insoumission : ils protestent contre le projet de loi restreignant le suffrage universel et refusent d’éliminer 600 électeurs quand la loi est votée en 1850. Le bras de fer continue : le préfet demande au ministre de dissoudre le conseil municipal ce qui est fait par le décret du 20 septembre 1850. On vote le 5 janvier 1851 ; les républicains ont fait campagne pour l’abstention : 446 votants sur 1167. Le pouvoir a eu raison de l’obstination des républicains qui dès lors n’interviennent plus ; le coup d’état est accueilli dans le calme sinon l’apathie.[30]
Le coup de force de Fleurance : la ville avait donné une écrasante majorité à Ledru-Rollin, et élu, trois fois, une municipalité républicaine. Le « meneur » en est le casquettier Aylies qui participe à la réunion de L’Ami du Peuple le 3 décembre et en revient convaincu de la nécessité d’agir. Comme à Mirande, la décision est vite prise, des émissaires envoyés dans les villages ; les insurgés prennent la caserne de gendarmerie, la mairie où s’installe une commission révolutionnaire. Le fait le plus marquant est l’arrestation du nouveau préfet, de Lagarde, et du sous-préfet de Bayonne qui avaient eu le malheur de passer en malle-poste par Fleurance. Cela leur valut quelques heures d’enfermement à la mairie de Fleurance ! Mais c’est un nouvel échec pour les républicains.
L’insurrection du Gers a mis en mouvement 8000 à 10000 hommes d’après Dagnan qui la raconte dans les détails, citant les noms des protagonistes, leur armement, leur comportement, leurs gestes et paroles.
L’État de siège est proclamé le 8 décembre dans tout le département, comme dans 31 autres, et dure jusqu’au 7 avril 1852.
– pour les républicains repris de justice c’est Cayenne
- pour les républicains les plus avancés c’est Algérie plus c’est à dire une prison en Algérie
- pour les modérés c’est Algérie moins c’est à dire l’Algérie où ils seront libres
- pour ceux qui ont joué un rôle moindre c’est le bannissement à l’étranger ou dans un autre département.
Les commissions mixtes du Gers ont étudié 912 dossiers ; 6 hommes ont été envoyés à Cayenne, 181 Algérie +, 272 Algérie -, 5 expulsés.
Le 21 mars 144 prisonniers de la catégorie Algérie moins sont partis d’Auch cette nuit pour Toulouse. Aucune manifestation n’a eu lieu.[31]
Les acteurs de 1848 dans la tourmente
LAMARQUE Lucien
Le plus « dangereux » aux yeux du pouvoir.
Dès le 9 décembre 1851 mandat d’arrêt contre Lamarque et les autres ; le préfet écrit : Lamarque : doit être déporté à perpétuité. Il est un misérable qui devrait être traité exceptionnellement.
La commission mixte en reprend l’idée : les cinq inculpés [ de Condom, dont Lamarque ] membres de la commission révolutionnaire, chefs du socialisme, ont avoué les propos les plus coupables, doivent au moins être déportés à perpétuité. Le premier surtout, Lamarque, est un misérable qui devrait être traité exceptionnellement, ne serait-ce que pour l’exemple. Son cousin germain J B Lamarque, de Fourcès, est aussi jugé très dangereux mais n’a pas participé à l’insurrection et est laissé en liberté. Et elle déclare Lamarque Lucien « Algérie + ». Il se cache grâce à des amis et ne part pas en déportation, mais en exil à Saint-Sébastien en Espagne.
Dans les mois suivants, le préfet chaque fois qu’il est consulté pour donner une liste de personnes à gracier, reproduit une liste des condamnés qui ne peuvent être graciés : … Lamarque Lucien ( 5 avril 1852) ou qui ne peuvent en aucun cas être renvoyés dans leurs foyers : … Lamarque Lucien…(24 novembre 1852).[32]
Le 9 juillet 1852, Lucien Lamarque demande l’autorisation de se rendre dans le Lot-et-Garonne pour la récolte. Il écrit : ceux qui comme moi, n’ont eu d’autre tort que d’avoir servi aveuglément la cause de quelques intrigants et qu’aujourd’hui éclairé par ma faible raison et lisant dans l’avenir applaudis à ma défaite en même temps que je jure de servir désormais le Prince dont l’heureuse énergie a sauvé notre société…
En novembre le préfet redit que Lamarque ne doit pas rentrer.[33] Le 11 avril 1856 son père, négociant à Condom et malade, sollicite un congé pour son fils. Il est de retour le 27 juin. Pendant l’automne 1856 plusieurs lettres du sous-préfet font état de sa promesse de se soumettre, promesse non tenue. Il est réhabilité le 15 décembre 1856.[34]
Mais le 27 février 1858 le préfet le classe toujours dans une liste de personnes dangereuses.
Sur la Liste des condamnés qui bénéficient de l’amnistie accordée par le décret impérial du 16 août 1859, figure Lamarque Jean Marie Lucien avocat interné en Algérie autorisé à rentrer provisoirement en France.
Lamarque a sa revanche le 10 septembre 1870 : il est choisi comme sous-préfet à la place de Louis Fabre, poste occupé jusqu’en 1871, puis de nouveau du 10 novembre 1881 au 8 novembre 1882. Entre temps, il est conseiller général.[35]
En octobre 1882 la Commission générale[36] lui alloue 1000 F de rente. Après sa mort, sa fille, Augustine, demandera la reversion de la pension ; ce ne sera pas accordé parce que la veuve de Lamarque lui a survécu quelques semaines, c’était à elle d’en faire la demande d’après la circulaire n° 309 du 8 janvier 1883. Le sous-préfet accompagne la demande d’Augustine Lamarque d’une lettre dans laquelle il précise : Je crois devoir ajouter, d’ailleurs, que l’honorable et sympathique M. Lamarque, ancien sous-préfet de Condom, avait épuisé sa fortune personnelle pour le triomphe des idées républicaines et qu’en raison de cette considération, Mlle Lamarque, sa fille unique, me parait digne d’intérêt à tous égards.[37]
Décédé le 27 janvier 1886 à Condom (à son domicile rue Buzon), Lucien Lamarque a eu des obsèques civiles qui ont permis une grande démonstration de force de la part des républicains. C’est de mémoire de condomois, le plus important rassemblement populaire jamais provoqué par la disparition d’un homme politique. Il reste pour les Condomois le rédacteur de « L’Étoile d’Aquitaine » le fameux journal des « rouges ».[38]
ALEM-ROUSSEAU François
En décembre 1851, malgré les efforts de ses amis, Alem-Rousseau, en fuite, caché, est toujours poursuivi : le procureur, défié devant le Démocrate le 4 décembre, s’acharne contre lui.
Son fils aîné intervient dans le débat d’après Eugène Ténot [39]:
« L’Opinion du Gers, dans son récit de la scène de la rue Balguerie, attribue à M. Alem-Rousseau ces paroles : Qu’il n’y a plus de lois, qu’il n’en reconnaît plus. M. E. Alem-Rousseau fils rectifia ce récit par la lettre suivante, publiée par l’Opinion du 28 décembre :
Martinon, le 26 décembre 1851.
Monsieur,
On me communique à l’instant même l’article du journal l’Opinion du Gers, dans lequel, sous le titre de Troubles du Gers, vous mentionnez mon père, qui, à l’occasion de ces troubles, se trouve recherché et sous le coup d’un mandat d’arrêt.
Sans consentir à discuter ni avec vous ni avec qui que ce soit les actes de mon père, j’affirme, en ma qualité d’homme présent à la scène de la rue Balguerie, que le langage que vous lui prêtez n’est pas celui qu’il a tenu. — Au lieu de dire, comme vous l’écrivez, qu’il ne reconnaît plus de lois, c’est, au contraire, le respect des lois qu’il n’a cessé d’invoquer. Interrogez si vous voulez, là-dessus, commissaire de police, magistrats, soldats, sergents de ville, peuple.
Je comprendrais difficilement, Monsieur, que ma réclamation n’eût pas la publicité de votre article. Cela se doit en honneur.
Recevez mes salutations. ÉMILE ALEM-ROUSSEAU »
Dès le 23 janvier la commission mixte prévoit pour lui, comme pour Canteloup, « Cayenne » ; puis, la circulaire ministérielle du 3 février réservant Cayenne aux repris de justice, ils sont classés tous les deux « Algérie plus »; le maire Soullier intervient toujours. On écrit qu’Alem est malade ; la clémence est refusée le 17 février par le nouveau préfet Féart. Des démarches sont faites auprès du Ministère de l’Intérieur qui ordonne la clémence pour Alem.
Pendant ce temps, Alem-Rousseau, Canteloup et d’autres ont pu se cacher ; Alem semble être passé en Espagne si l’on en croit Victor Schœlcher qui écrit depuis Bruxelles où il est en exil :
On lit dans la Cronica de Guipuscoa (Espagne) :
« La plus grande partie des Français qui se sont réfugiés dans notre province se compose de commerçants, d’industriels, d’ingénieurs civils des ponts et chaussées et des mines. Ces derniers ont déjà trouvé à s’occuper avantageusement. Ne serait-il pas possible d’employer avantageusement un fabricant de draps qui se trouve parmi les réfugiés et dont on fait les plus grands éloges ? »
Parmi les bannis réfugiés en Espagne, on compte entre autres : MM. Simiol, Raynal, Azerm et Alem Rousseau, anciens membres de l’Assemblée constituante.
Tels sont les hommes dangereux que les sauveurs sont obligés de soumettre aux douleurs de l’exil et aux tortures de la transportation, sous peine de ne pouvoir réparer en France les maux qu’y avait causés « le parlementarisme » !
Note : Nos réfugiés ont été accueillis en Espagne avec une grande sympathie. Le gouvernement n’en repousse aucun. Ceux auxquels il demande caution pour leur permettre de résider dans les grandes villes ne manquent jamais de trouver quelque riche habitant empressé de leur servir de garant. Nous reconnaissons bien à ces traits la générosité naturelle au noble caractère espagnol.[40]
Le Préfet auquel le Ministre a demandé de classer les condamnés en vue d’une possible clémence écrit le 5 avril 1852 : Liste de ceux qui peuvent être graciés : … Alem-Rousseau…. Et le 24 novembre 1852 : Liste des condamnés dont la peine pourrait être commuée en bannissement : … Alem-Rousseau…D’ailleurs les grâces du 28 août 1852 précisent que la peine d’Alem-Rousseau est commuée en expulsion [41].
Le 21 janvier 1853 le préfet écrit au Ministre de la police générale qu’Alem-Rousseau est rentré dans sa famille le 23 novembre dernier, mais qu’il n’a pas reçu l’avis officiel de sa grâce par sa Majesté Impériale. Chose faite le 29 janvier avec cette précision : la transportation avait déjà été commuée en expulsion en août 1852 ; elle est commuée en surveillance depuis le 10 novembre 1852. Le 7 mars 1853 l’Empereur le gracie totalement[42].
Alem-Rousseau reprend son activité d’avocat et ne joue qu’un rôle politique mineur : en 1863 il fait partie du Comité électoral pour organiser les élections législatives ainsi que David. C’est son dernier acte politique.
Il vit retiré dans la propriété de sa mère à Martinon à Aubiet où il meurt le 25 janvier 1868, à 7h30 du matin après une longue maladie.
André Péré dresse un portrait de ce républicain convaincu ; d’après lui, Alem était nerveux, un peu instable ; de santé fragile, il souffrait de palpitations cardiaques, de fièvres fréquentes. Doué d’une vive sensibilité, d’un tempérament ardent, frondeur quand il était jeune il avait acquis un esprit de conciliation avec l’âge.[45]
Il suit le sort de son ami Alem, atténué puisqu’il est considéré comme suiveur : d’un caractère violent, lieutenant d’Alem-Rousseau, il l’a constamment secondé dans tous ses actes d’opposition systématique.[46]
Il est condamné à l’internement à Arreau (Hautes-Pyrénées) puis la commission mixte du 9 mars 1852 le condamne à un an d’éloignement du territoire français. Il demande à aller à Bruxelles et l’obtient mais doit payer son passeport (Monsieur Boubée est riche).[47] A son retour il ne fait plus de politique.
Théodore Boubée meurt le 16 novembre 1865 à Auch, âgé de 72 ans, dans sa maison place Saint-Jacques.
Deux fils, Gabriel et Victor, reçoivent une pension annuelle de 100 F en octobre 1882.
PÉGOT-OGIER Jean-Baptiste
Le premier Commissaire de la République du Gers a été élu représentant du peuple en avril 1848 pour le département de la Haute-Garonne. Il n’est pas réélu en 1849 et reste, aux côtés de Jacques Joly, dans l’opposition.
Il signe la protestation publiée le 4 décembre 1851 par les journaux de Toulouse L’Émancipation et La Civilisation et participe à la manifestation qui demande la déchéance de Louis-Napoléon Bonaparte.
Le Préfet Pietri fait arrêter les signataires, dont Pégot-Ogier, sous l’inculpation de complot contre la sûreté de l’État. La Commission mixte statue ainsi le 21 février 1852 : Pégot-Ogier Jean-Baptiste ancien constituant condamné politique. Expulsion. Les modalités sont fixées quelques semaines après : il reçoit un passeport gratuit[48] valable un an autorisant le Sr Pegot-Ogier Jean-Baptiste, condamné à sortir du territoire français pour cause politique et se rendant à Barcelone (raturé : Saragosse) profession de propriétaire né à Saint-Gaudens habitant Toulouse. Mais la police française ne le perd pas de vue : une lettre du commissaire de police de Luchon le 25 juin 1852 accuse Pégot-Ogier, ancien représentant[qui] est à Lès (Espagne), de pousser les Espagnols à refuser l’impôt, de faire courir le bruit que la France se prépare à la guerre. Pégot est connu pour un fervent démagogue.16 février 1853 : Pégot-Ogier s’est fixé à Barcelone. Il est gracié par décret du 2 février 1853 et peut rentrer. [49]
Pégot-Ogier négociant habitant faubourg St Etienne, natif de Saint-Gaudens : c’est un bavard, un intrigant et un oiseau de proie politique… Il ne jouit pas dans le parti républicain d’une bonne réputation de moralité… Il dirigea longtemps le journal la « Civilisation » en haine des rédacteurs de « L’émancipation » et il était l’ennemi mortel du Sr Roquelaine. La famille du Sr Pégot est très nombreuse et elle était autrefois bonapartiste. Elle professe aujourd’hui un républicanisme outré.[50]
Il est mort à Saint-Gaudens le 6 juillet 1874 après avoir exercé des métiers nombreux et variés.
Son fils Eugène a connu l’exil aux Canaries et a écrit un livre en deux volumes sur ces îles[51] , « Les îles fortunées ou l’archipel des Canaries » qu’il a soumis à Victor Hugo rencontré à Guernesey ; puis il s’est installé à Hennebont en Bretagne où a été élevé son fils, Jean-Bertrand Pégot-Ogier peintre reconnu de l’âme bretonne. (1877-1815)[52]
En 1881-1882 la commission qui fixe les indemnités pour les victimes du coup d’état, sollicitée par sa femme et sa fille écrit :
Pégot-Ogier Célestine (fille) et Pégot-Ogier veuve : décisions de la Commission :
Négociant, ancien membre de l’assemblée constituante et signataire de la protestation… fut condamné à l’expulsion du territoire français par la Commission mixte. Les conséquences de cette peine furent la ruine complète de sa fortune.
On alloue une pension annuelle de 250 F à la fille, de 300 F à la veuve.[53]
Lors de l’insurrection gersoise, il est à Paris. Lamarque lit une lettre de Noullens qui annonce que Duputz essaie de soulever le faubourg Saint-Antoine. Il est considéré comme très dangereux par le préfet et par la commission mixte du 25 mars 1852 : Duputz Edouard ancien représentant du Gers à l’assemblée législative domicilié dans l’arrondissement de Condom, demeurant dit-on à Paris.
Gounon, Carbonneau, Barailhé, Belliard, Gavarret, David ne participent pas à l’insurrection mais ils sont toujours surveillés.
D’autres ont joué un rôle et l’ont payé fort cher :
Noullens a eu plus de chance et est resté sur le territoire malgré sa forte implication dans l’insurrection à Paris et son travail de propagande dans le Gers.
Baudéan Aristide Sylvain : Homme de lettres, nommé sous-commissaire de la République à Lectoure par Joly, est la bête noire des Renseignements. Dès l’été 1851 il est poursuivi comme l’indique la lettre du Préfet du Gers au préfet de la Haute-Garonne le 6 août 1851 : Je vous prie de faire surveiller le Sieur Baudéan ancien sous-commissaire du gouvernement provisoire à Lectoure.
Cet individu, arrivé le 4 à Lectoure venant de Toulouse a eu de fréquentes entrevues avec les chefs du parti démagogique, à qui il parait être venu porter un mot d’ordre.
Il a dû repartir hier soir pour Toulouse.
De même, la dépêche télégraphique du ministre de la police au préfet de la Haute-Garonne annonce, le 22 septembre 1851 : Je serais disposé à envoyer Baudéan à Cayenne ; mais je voudrais connaître ses antécédents. Indiquez-les moi et tenez-le en prison s’il est à Toulouse.
Pourtant, à Toulouse, il signe l’appel de La civilisation, le 3 décembre 1851, à s’opposer au coup d’État ; un mandat d’amené est lancé contre lui mais on ne le trouve pas à son domicile le 5 décembre. Il figure dans la liste des personnes poursuivies après le coup d’état du 2 décembre :
Baudéan Aristide 44 ans propriétaire habitant Muret condamné le 20 février à la transportation en Algérie (classe +). Baudéan Aristide […] socialiste influent et dangereux par son caractère énergique et son talent très secondaire.[57] Le Cahier de notes sur les démagogues poursuivis, registre réalisé dans la Haute-Garonne, est encore plus cruel à son égard.[58]
Très pauvre, il bénéficie des indemnisations des victimes du 2 décembre 1851 en ces termes :
Paris Boulevard de Clichy 48, homme de lettres et signataire de la protestation contre le coup d’état. Arrêté le 3 décembre condamné d’abord à la déportation le 20 février 1852 par la Commission mixte fut gracié le 29 décembre suivant. M Baudéan est particulièrement connu des délégués électoraux qui déclarent que sa position est réellement digne d’intérêt. On lui accorde une pension.
Pourtant Baudéan écrit le 29 décembre 1881 pour se plaindre d’une erreur de la part de la Commission départementale de la Haute-Garonne dans la fixation de son indemnité : il a été transporté en Afrique par décision de la Commission mixte de la Haute-Garonne ; il y est parti et a été enfermé avec les autres au fort de Douhéra, dit-il. Il a 71 ans, est malade et paralysé.
Une lettre de la préfecture de la Seine précise que le titre ci-inclus de 1000 F n° 3880 au nom de M Baudéan Aristide Sylvain est transmis à la Préfecture de la Haute-Garonne[59].
Et beaucoup d’anonymes
D’après Dagnan il y a eu, dans le Gers, 465 mesures de sûreté générale : 453 Algérie + et -, 6 envois devant le conseil de guerre, 5 expulsions, 1 internement.
En Lot-et-Garonne, la commission mixte statue sur 848 cas ; 382 sont envoyés en Algérie[61]
Il décrit le site, un plateau, et précise : On n’a, jusqu’à présent, découvert aucune source, un seul puits a été creusé, et l’eau en est mauvaise et salée. […] Les orages sont fréquents : la brise de mer ne se fait sentir que vers les deux ou trois heures de l’après-midi. Les vents du nord-ouest soufflent parfois avec une grande impétuosité ; les chaleurs sont fortes, accablantes, difficiles à supporter ; l’air est pesant et humide. Ces faits s’expliquent par la position même du village, bâti au fond d’un entonnoir. L’eau du Chelif est mauvaise. […]. Saumâtre, d’un gris sale, abondamment chargée de matières terreuses et organiques, elle est lourde, pénible à l’estomac, d’une digestion très laborieuse, provoque la diarrhée, et contribue beaucoup, suivant moi, à la fréquence des fièvres d’accès qu’on observe dans le pays.
Puis il parle des hommes dont il a la charge : Les transportés, au nombre de 317, sont arrivés au Pont du Chélif, le 10 mai 1852. […] Les transportés, organisés militairement, travaillent deux fois par jour, et tous les deux jours, le matin à six heures, le soir à deux heures. Ils ont achevé un fossé d’enceinte. La transportation est donc, cela est constant, aggravée par les travaux forcés.
Et il aborde leurs problèmes de santé : Du 16 mai au 20 novembre 1852, sur le chiffre de 317 transportés au Pont du Chélif, cent vingt ont été envoyés à l’hôpital. […] Dans le courant de l’automne comme à la fin de l’été, j’ai constaté peu de cas de dysenterie. Presque tous les malades ont été atteints de fièvre paludéenne offrant la forme rémittente gastrique ; l’accès était quotidien, quelquefois double quotidien, très rarement tierce. Beaucoup ont eu des accès graves contre lesquels j’employais immédiatement le sulfate de quinine à haute dose ; quelques-uns ont éprouvé des accès pernicieux comateux ; je n’en ai pas rencontré de délirants. Une remarque importante et curieuse, c’est que tous ceux qui ont été touchés en quelque sorte par l’intoxication marécageuse de la localité en ont conservé des traces telles qu’ils n’ont jamais pu entièrement se rétablir. D’emblée la cachexie les frappait de son cachet indélébile. […]
J’avais prévu, dès mon arrivée, ce résultat fâcheux, et j’avais prié M. le capitaine directeur d’en faire le sujet d’un rapport spécial à M. le gouverneur général, afin d’obtenir que les transportés malades de cachexie confirmée fussent envoyés, si cela était possible, en France, dans une prison du littoral que l’autorité supérieure aurait désignée.
J’exprimai la même opinion à M. l’inspecteur médical, dans un rapport sanitaire que j’eus l’honneur de lui adresser. […]
J’ai voyagé, j’ai visité deux prisons en France, je n’ai jamais rien rencontré de plus triste qu’une colonie pénitentiaire. Souvent en voyant passer ces figures attristées et pâlies par les souffrances de l’exil, en observant avec attention ces hommes dont beaucoup, aux traits marqués par de profondes rides, semblaient ne devoir plus aspirer qu’au repos de l’obscurité et à la tranquille monotonie du foyer domestique, je me demandais : A quels mobiles ont-ils cédé ? A quelles idées ont-ils obéi en commettant les fautes qui leur sont reprochées ? Est-ce l’espoir d’un avenir meilleur qui a armé leur bras, inspiré leur courage ?
Je crois que cette localité ne devrait être qu’un camp militaire propre à garder le pont, cette position d’une importance capitale. Des 317 transportés, arrivés le 10 mai 1852, il n’en reste aujourd’hui qu’environ 130 ou 150 ; un grand nombre ont été graciés.
Beaucoup de transportés déjà ont succombé à la nostalgie, au découragement, aux influences funestes du climat.
Émile Cordier, Médecin de 1ère classe, en Algérie.
La liste de ceux qui ont vécu en Algérie en tant que « transportés » en 1852 a été publiée[64] dans un livre et sur un site. Est donnée aussi la liste de ceux qui sont morts après l’amnistie générale de 1859, et qui sont, peut-on supposer, restés volontairement en Algérie. C’est le cas de 5 Gersois. Combien y sont morts en captivité ? Le bilan n’est pour le moment pas fait.
Conclusion
Ces hommes qui se sont mobilisés pour la République dans le Gers (ou contre, comme de Panat) sont hors course à partir de 1852. Ils ne joueront plus de rôle politique ; seul Lamarque, assagi, sera réinvesti d’une charge politique sous la Troisième République.
Les républicains anéantis, tel est le titre d’un paragraphe de l’historien Jean Garrigues[65]. L’exploitation du péril rouge fait l’unité des conservateurs ; la propagande gouvernementale dénonce un complot qui aurait préparé l’avènement d’une république socialiste et donc la disparition de la propriété ; Louis-Napoléon Bonaparte est le sauveur ! Le Préfet de la Haute-Garonne fustige les individus appartenant à l’opinion républicaine la plus avancée et professant les utopies socialistes, communistes, fouriéristes, proudhoniennes et cabalistes. Ils sont tous suspects et très dangereux.[66]
C’est la vieille, et toujours recyclable, « théorie du complot », moyen privilégié de ceux qui veulent agir malhonnêtement sur l’opinion ! La répression féroce de 1852 est une belle démonstration de son efficacité : Une immense « rafle » décapita pour 20 ans le parti républicain. Pour l’ensemble de la France, 27 000 arrestations furent opérées.[67] Les milliers de victimes ne reçoivent aucun soutien ; l’opinion publique se tait et laisse faire.
A l’effervescence des trois années 1848-1851, succède une période atone pendant laquelle l’Empire assoit son autorité dans le département comme dans tout le pays. Ces quelques années de repli qui précèdent une période d’adhésion, plus ou moins profonde, à un pouvoir non-démocratique mais dynamique sur le plan économique, n’ont pas été étudiées dans le Gers : ni la gravité du traumatisme créé par la « transportation » ; ni son impact sur la vie quotidienne de centaines de familles privées pendant des années de ressources, appauvries comme l’indiquent bien des rapports de police ou de lettres d’élus ; ni la probable indigence de la vie politique, publique et sociale… Autant de pistes de recherches qui permettront de comprendre le second XIXème siècle dans le département.
Renée Courtiade
(acceder à la première partie)
[1] Voir première partie à « Belliard »
[3] Mémoire pour servir à l’histoire des Jeux Floraux par M Poitevin-Peitevi ancien avocat, secrétaire perpétuel de l’Académie des Jeux Floraux. A Toulouse chez M.J Dales. 1815
[4] M de Panat (Vicomte de). Biographie par M J. Noulens Directeur de la Revue d’Aquitaine. Éditions Dumoulin 1860. (consultable à la Bibliothèque du Périgord à Toulouse)
[5] Jules Villain : La France moderne, grand dictionnaire généalogique, historique et biographique. Haute-Garonne et Ariège. 1913. Montpellier. Imprimerie-Lithographie Firmin et Montane. Réédité en 1982 par Laffitte reprints.
[6] D’après l’éloge prononcé par le Marquis d’Aguilar lors de la séance de l’Académie de Jeux Floraux du 26 janvier 1812. Dans Mémoire pour servir à l’histoire des Jeux floraux par M Poitevin-Peitevi, page 342.
[7] C’est à dire président ou, selon le titre exact, « Président de la Compagnie du Gai savoir ».
[9]Roger Bourse et Georges Laborie : L’Isle Jourdain Gers d’hier et d’aujourd’hui. Édité par le Groupe lislois de recherches archéologiques et historiques.
[10] Roger Bourse et Georges Laborie : ouvrage cité
[11] Voir en annexe la notice de 1855 qui lui est consacrée. Archives du Gers : 1 M 235
[12] Il siège dans la Société d’agriculture de la Haute-Garonne dont il devient vice-président. Et est président de la Société d’assurances mutuelles contre la grêle. Voir biographie de Noulens ouvrage cité.
[13] Bulletin de la société archéologique du Gers. 1991 : L’évolution politique du Gers de 1848 à 1940 à travers l’élection du Conseil général. Par G de Monsembernard
[14] Roger Bourse et Georges Laborie : ouvrage cité
[15] Site geneanet. Arbre généalogique de la famille de Palmas. Voir note n°8.
[16] Ce que tente M Isidore Dufis pour Aymeric, le petit-fils
[17] L’Égalité, journal créé à Auch le 17 avril 1849 par opposition au journal d’Alem-Rousseau. Remplacé le 5 mai 1850 par L’Ami du peuple. Archives départementales du Gers : 39 Jx 1 à 39 Jx 3. Cet éditorial est celui du numéro 139 de L’Égalité . Côte : 39 Jx 1
[18] 1848 ou l’apprentissage de la République 1848-1852. Maurice Agulhon. Seuil. Point Histoire
[19] Archives du Gers : L’Ami du Peuple. 39 Jx 3
[20] Archives de la Haute-Garonne : 4M 65. Quelques unes de ces caricatures sont présentées dans l’annexe 1. [21] Journal L’Ami du Peuple. N° 248. Archives départementales du Gers : 39 Jx 3
[22] Journal L’opinion. Archives du Gers : 25 Jx 11
[23] Garrigues Jean : La France de 1848 à 1870. Collection Cursus. Armand Collin.
[24] Anceau Éric : La France de 1848 à 1870. Entre ordre et mouvement. Livre de poche. Inédit. Histoire.
[25] Godechot Jacques (sous la direction de ) La Révolution de 1848 à Toulouse et dans la Haute-Garonne. par le Comité départemental du centenaire de la Révolution de 1848. Édité par la Préfecture de la Haute-Garonne.
[26] Archives du Gers cote 1M 242
[27] J Dagnan : Le Gers sous la Seconde République. II Le coup d’État. Auch. Imprimerie F Cocharaux.1929. Livre Premier. Chapitre I L’insurrection. ( pages 16 à 56. Il utilise des documents des Archives de la guerre).
[28] Raconté par Eugène Ténot : La province en décembre 1851. Étude historique sur le coup d’État. Paris Armand Le Chevalier éditeur. 1868 En ligne sur www.1851.fr [29] J Dagnan ouvrage cité
[30] Histoire de Lectoure [31]Archives départementales du Gers : Dépêche du préfet du 21 mars 10h du matin 1M 256
[32] Archives du Gers : 1 M 256
[33] Archives du Gers : 1 M 256
[34] Archives du Gers : 1 M 252
[35] Archives du Gers : 2 M 10
[36] Commission créée par la Troisième république (loi du 30 juillet 1881, Loi Waldeck-Rousseau Pierre dont le père, René, avait été victime du coup d’état ) pour indemniser les « Victimes du 2 décembre » . Elle verse une pension annuelle aux insurgés ou à défaut à leur épouse et à leurs enfants qui en font la demande. Pour le Gers sont traités 389 dossiers. Archives du Gers 1 M 258
[37] Archives du Gers : 1 M 259
[38] Alain Geay : Condom et les Condomois. Passé Simple. Éditions Alan Sutton. 2005
[39] Eugène TÉNOT : La province en décembre 1851. Étude historique sur le coup d’État. Paris Armand Le Chevalier éditeur. 1868. Chapitre IV : Département du Sud-Ouest. Gers. Appendice : Lettre d’Alem-Rousseau fils. Sur site www.1851.frr [40] Victor Schœlcher dans Histoire des crimes du 2 décembre. sur 1851.fr. Sur le site //perso.wanadoo.fr/geneagm/transportes.htm : « Les transportés de France en Algérie après le coup d’État du 2 décembre 1851 »
[41] Archives départementales du Gers : 1 M 256
[42] Archives du Gers : 1 M 247
[43] Voir note 36 .
[44] Archives départementales du Gers : 1 M 258 sous les numéros 4174 et 4175.
[45] Bulletin de la Société archéologique du Gers 1986 : André PERÉ : Alem-Rousseau (1793-1858) Avocat, maire d’Auch, député de la Seconde république
[46] Archives du Gers : 1M 242
[47] Archives du Gers : 1M 247
[48] Pour les condamnés sans ressources le passeport était gratuit.
[49] Archives de la Haute-Garonne : 4 M 79
[50] Archives de la Haute-Garonne : 4 M 74
[51] Ce livre vient d’être traduit en espagnol par un professeur de littérature française de l’Universidad de Las Palmas de Gran Canaria : Jorge Juan Vega y Vega
[52] Carion André : Les peintres de Pont-Aven . Éditions Ouest-France. Et la revue Ar Men La Bretagne, un monde à découvrir. N° 37 : Pégot-Ogier (1877-1915). Une Bretagne sereine. Par Marie-Christine Train qui a consacré un DEA au peintre.
[53] Archives de la Haute-Garonne : 4 M 71
[54] Archives du Gers : 1 M 250
[55] Archives du Gers : 1 M 256
[56] Archives du Gers : 1 M 258 (sous le numéro 3973)
[57] Archives de la Haute-Garonne : 4 M 74
[58] Voir annexe. Archives de la Haute-Garonne : 4 M 74
[59] Archives de la Haute-Garonne : 4M 71, indemnisations des victimes du 2 décembre.
[61] Bertrand Carbonnier : mémoire de maîtrise : La résistance républicaine au coup d’état du 2 décembre 1851 de Louis-Napoléon Bonaparte dans le Lot-et-Garonne. Publié sur www.1851.fr
[62] Brochure sur Mouchet réalisée par Mme Salat, de St Puy, consultable à la bibliothèque du village.
[63] Lettre publiée par Ribeyrolles Charles, ex rédacteur de La Réforme, dans son livre Les bagnes d’Afrique, histoire de la transportation de décembre. Édité à Londres, Jeffs, en 1853. Lu sur le site www.1851.fr [64] Les Transportés de France en Algérie après le coup d’État du 2 décembre 1851. Publié en 2002. Le site http://www.geneagm.org/travauxfrm.htm reproduit cette liste, peut-être non exhaustive. J’ai compté 280 condamnés du Gers, 20 de Haute-Garonne, 1 des Hautes-Pyrénées [65] Garrigues Jean : La France de 1848 à 1870. Collection cursus chez Armand Collin
[66] Archives de la Haute-Garonne : lettre du 18 janvier 1852. Cote 4 M 74.
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