Historien : Daniel Roche
Né en 1935, Daniel Roche est historien, spécialiste de l'histoire culturelle et sociale de la France de l'Ancien Régime. En 1956, il intègre l'École normale supérieure de Saint-Cloud et obtient son agrégation d'histoire. Maître-assistant à l'ENS, puis chargé de recherches au CNRS, il oriente ses premiers travaux sur les académies provinciales du XVIIIe siècle. Professeur à l'université Paris VII puis à Paris I, il enseigne par la suite à l'Institut européen de Florence. En 1989, il devient directeur d'études cumulant à l'EHESS (1989), avant d'être nommé, en 1998, professeur au Collège de France (titulaire de la chaire Histoire de la France des Lumières") où il est désormais professeur honoraire. Daniel Roche a dirigé de 1990 à 2005 l'Institut d'histoire moderne et contemporaine (CNRS-ENS) ; il dirige avec Pierre Milza la Revue d'histoire moderne et contemporaine. Officier des Arts et des Lettres et chevalier de l'Ordre du Mérite, Daniel Roche est l'auteur de nombreux ouvrages, dont, notamment, La France des Lumières en province : Académies et académiciens provinciaux, 1660-1789 (Paris, La Haye, Mouton-EHESS, 1978) ; Les Français et l'Ancien Régime. I - La Société et l'État. II - Culture et Société, avec Pierre Goubert (Armand Colin, 1984) ; Les Républicains des Lettres, gens de culture et Lumières au XVIIIe siècle (Fayard, 1988) ; La Culture des apparences. Essai sur l'Histoire du vêtement aux XVIIe et XVIIIe siècles (Fayard, 1989) ; La France des Lumières (Fayard, 1993) ; Histoire des choses banales. Naissance de la Société de consommation, XVIIIe-XIXe siècle (Fayard, 1997) ; Le Peuple de Paris. Essai sur la culture populaire au XVIIIe siècle (Fayard, 1998) ; Humeurs vagabondes. De la circulation des hommes et de l'utilité des voyages (Fayard, 2003).
Source : https://www.fayard.fr/auteurs/daniel-roche
Mon opinion : Un des grands maîtres de l'histoire socio-culturelles, de l'histoire des Lumières, de l'histoire urbaine.
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Les circulations dans l’Europe moderne
XVIIe- XVIIIe siècles
Professeur au Collège de France, Daniel Roche a consacré de nombreux livres à la France du XVIIIe siècle, notamment La France des Lumières (Fayard).
La société d’Ancien Régime n’est pas cette société figée et immobile, bornée à l’horizon du village, que nous aimons à nous représenter. Au contraire, poussés par la nécessité ou par la curiosité, les voyageurs ne cessent d’être plus nombreux de l’âge classique au Siècle des lumières et le voyage de gagner des lettres de noblesse.
L’essor des récits de voyages et le débat sur leur utilité révèlent un appel à penser autrement, par la lecture du grand livre du monde. L’ouverture et le décloisonnement mettent au jour, au-delà de la crainte ancestrale de tout ce qui vient d’ailleurs, une mobilité sans frontières, celle de la solidarité et non de l’errance, celle de l’échange valorisé, des transferts culturels profitables à tous. S’inventent alors des questions, des valeurs et des craintes, des conflits, qui sont encore les nôtres aujourd’hui.
Ce livre est paru en première édition chez Fayard en 2003 sous le titre Humeurs vagabondes.
Mon opinion : Un livre génial tant par sa richesse que par sa qualité littéraire.
Comment le creuset urbain a-t-il fonctionné ? Pour quelles raisons, du règne de Louis XIV à la monarchie de Juillet, Paris n'a-t-il cessé d'attirer une vaste population - errants et migrants saisonniers, voyageurs pauvres ou riches - alors que l'accélération des échanges, l'accroissement des mouvements de migration et des voyages bouleversaient les traditions d'hospitalité ? Dans quelle mesure la capitale correspond-elle à son image de ville promise ? Quelle place tiennent ces flux migratoires dans sa propre transformation ?
Cette vaste enquête, dirigée par Daniel Roche, retrace l'histoire de la mobilité parisienne en montrant ses implications à la fois sociales, économiques et culturelles. Elle montre aussi les préoccupations des pouvoirs publics face au renouvellement incessant des nouveaux arrivants, les débats soulevés par leur présence, la volonté de contrôler ceux qui sont perçus comme des « étrangers », même si beaucoup d'entre eux viennent de province et constituent l'un des moteurs de la croissance du Paris préindustriel. Dressant l'inventaire des réseaux d'hébergement qui se mettent progressivement en place, des garnis étroitement surveillés par la police aux hôtels de luxe, elle rouvre la question des ségrégations dans l'espace parisien et, plus largement, celle de l'intégration.
Ont participé à cet ouvrage : Gilles Chabaud, maître de conférences à l'université de Limoges ; Jean-François Dubost, maître de conférence à l'université de Caen ; Sabine Juratic, ingénieur d'études au CNRS ; Vincent Millot, maître de conférence à l'université d'Orléans ; Daniel Roche, professeur au Collège de France ; Jean-Michel Roy, docteur en histoire.
Qu'est-ce que Les Lumières ? Pourquoi perdure le besoin de réfléchir sur ce projet original d'émancipation et de rachat de l'homme par l'homme que l'Occident a produit au XVIIIe siècle ? Dans quelle mesure en sommes-nous les héritiers ?
Conçu sous la forme d'un dictionnaire, si chère aux pères de l'Encyclopédie, cet ouvrage trace une carte générale de notre savoir sur les Lumières en quanrante-deux articles. De la morale à l'idée de civilisation, de l'architecture à la musique, de la religion aux sciences, il offre de multiples clés pour comprendre les idées et les valeurs qui se mettent alors en place, les transformations qu'elles impliquent dans la société et dans la culture, et montre leurs influences dans les grands pays européens mais aussi aux Etats-Unis. Cette diversité d'approches souligne que les Lumières ne constituent pas une doctrine fixe, mais un système de pensée qui a suscité débats et affrontements et qui a pris de nombreuses formes dans l'espace comme dans le temps. La confiance dans l'homme et dans le progrès, l'espoir d'une meilleure vie sur terre, l'optimisme de l'intelligence critique contre tous les fondamentalismes ; autant d'idées que les Lumières nous ont léguées et nous invitent à repenser notre temps.
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Entre le peuple chaud de l'histoire militante et le peuple froid d'une histoire trop pensée, j'ai tenté de retrouver l'identité spécifique d'une classe qui se constitue.
Michelet nous y invite. " Oh, qui saura parler au peuple?... sans cela nous mourrons " disait-il au chansonnier Béranger, signifiant ainsi l'existence d'un état populaire originel qui pour lui était la terre promise. Le peuple de Michelet n'est pas seulement l'objet d'une démonstration historique. C'est aussi un personnage familier, observé le dimanche aux barrières de Paris, entendu dans le témoignage d'une grand-mère perspicace et qui se souvient des années noires comme des bons moments, interrogé dans l'atelier, sur le chantier, au cabaret: Michelet, historien de l'immédiat, montre comment il faut confronter les écrits des observateurs.
Pour l'historien du dernier quart du XXe siècle, toute la difficulté est là. L'unanimité sensible qui fonde la cohérence du Peuple romantique peut-elle être projetée sur le monde laborieux qui s'entasse dans le Paris des Lumières? Oui, dans une certaine mesure, si l'on confronte l'observation du dedans et celle du dehors, si l'on admet que les changements dans les classes iférieures sont bien plus lents qu'en haut, si l'on concède aux petites gens le droit à l'étrangeté que leur refusent en tous temps les hommes d'ordre. Pour arriver à ce but, il faut utiliser à la fois les témoins et les archives dormantes, principalement celles que les notaires ont laissées. Il faut aussi interroger les " littérateurs ", les " économistes moraux ", les médecins. Tous ces témoignages et réflexions permettent de replacer le peuple parisien au coeur d'une méditation générale sur la croissance dont les figures principales sont la Ville et l'Individu urbanisé.
Daniel Roche
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Les choses aujourd'hui banales ne l'ont pas toujours été. De l'alimentation à l'habitat, la vie de nos ancêtres était conditionnée par les excès ou les insuffisances de la nature, et les objets qu'ils utilisaient chaque jour passaient d'une génération à l'autre, sans que nul ne songe à en acquérir de nouveaux. C'est à une vaste réflexion sur le passage de cette société traditionnelle à la société moderne que nous invite ici Daniel Roche.
Les changements sont perceptibles bien avant la Révolution. Dès le XVIIe siècle, l'exemple des villes et des riches, le développement des échanges commerciaux, la multiplication des innovations et des inventions commencent à bouleverser le rapport que les hommes entretiennent avec les objets. Les exigences et les sensibilités de chacun évoluent. Peu à peu, car " tous nos besoins se tiennent ", les modes de vie vont se transformer: les maisons et leur ameublement, leur chauffage et leur éclairage; les vêtements et la nourriture, sous l'effet de l'accélération des modes et de la montée du goût; ou encore les usages de l'eau, liés à un souci d'hygiène croissant.
Autant de changements dans la vie matérielle qui sont les prémisses de la société de consommation, et dont les répercussions sont aussi bien sociales que politiques. L'homme entouré d'objets n'est-il pas prisonnier, se demande Rousseau? A peine apparaissent les premiers signes de l'accroissement de la production que déjà s'engage un débat sur la valeur morale des choses, sur l'écart qui se creuse entre le développement du commerce et de l'industrie, gage de la civilisation, et le recul des solidarités entre les hommes.
Daniel Roche est professeur à l'université de Paris-I et directeur d'études à l'Ecole des Hautes Etudes en sciences sociales. Auteur de plusieurs ouvrages sur les Lumières, en particulier Les Républicains des Lettres (Fayard, 1988), La Culture des apparences (Fayard, 1989) et La France des Lumières (Fayard, 1993), il a reçu le Grand Prix national d'histoire pour l'ensemble de son oeuvre.
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A la fin du XVIIe siècle, " la majorité des Français pensaient comme Bossuet ". Au XVIIIe siècle, " les Français pensent comme Voltaire ", dit-on.
Le XVIIIe siècle se situe bien entre deux mondes. D'un côté, il vit encore au rythme des contraintes et des traditions, et repose sur l'antique association du religieux et de l'Etat. A la tête de cet édifice, le roi-prêtre, agent principal du politique, dont les hommes sont à la fois les moyens et la fin. Mais en même temps un autre système de références se dessine: l'heure des montres et des horloges, qui succède au temps sacré des églises, tout comme la maîtrise de l'espace transforment la vie ordinaire des Français. Une autre société se met en place, celle de l'échange et du développement du commerce, celle des grands ports et celle des grandes cités de l'entreprise. Au sein même de la France profonde apparaît une France plus ouverte, plus mobile. Elle revendique un ordre humain autonome où l'individu devient la mesure de toutes choses. Les problèmes de fiscalité, de justice, de sécurité montent sur le devant de la scène, et cette contestation sociale et politique contribue à former l'opinion publique: la personne du roi, la Cour sont désormais soumis à la critique.
Comment les contemporains ont-ils compris ce basculement du monde? Comment en ont-ils été les acteurs? Comment, tandis que la société se désacralisait, leurs croyances, leurs valeurs et leurs habitudes se sont-elles modifiées? Cette histoire de La France des Lumières nous plonge dans les racines de la modernité. Elle nous invite à une passionnante relecture d'un siècle qui fit l'apologie du négoce, exalta la nature, la science et le progrès, d'un temps aussi qui crut au bonheur pour tous.
Comment les Français et les Françaises s'habillaient-ils aux XVIIe et XVIIIe siècles, à Paris et en province, en ville et à la campagne? Comment choisissaient-ils les tissus et les couleurs de leurs vêtements, leurs modèles et leurs formes?
Beaucoup plus qu'aujourd'hui, les manières de se vêtir sous l'Ancien Régime traduisent l'influence des codes sociaux, des impératifs moraux et religieux dans la vie quotidienne. Les conventions vestimentaires soulignent la hiérarchie des apparences: chacun doit paraître ce qu'il est. Mais chacun peut aussi paraître ce qu'il veut, et dès le XVIIe siècle, le jeu des modes, la montée de la civilisation urbaine entraînent l'effritement des signes vestimentaires.
Signe distinctif, le vêtement est objet de nécessité. De la production des tissus à la confection des vêtements et à leur entretien, toute une économie se met en place, à la fois cause et conséquence des transformations de l'habillement. L'étude des techniques de fabrication et des circuits de diffusion _ achat, vol, imitation _ montre l'ingéniosité des libertés humaines et l'effet du changement dans une société stable, voire bloquée. Paris devient le centre d'un vaste commerce des habits de luxe.
Le vêtement est encore objet de désir. Le tissu est un langage et ses agencements, le jeu des dévoilements et de dissimulation d'une robe, les ampleurs et les resserrements d'un costume illustrent l'évolution des moeurs, de la pudeur, de l'hygiène, de l'imaginaire.
Le vêtement, comme le livre, diffuse et multiplie des informations sans cesse croissantes et tous, peu à peu, apprennent à le maîtriser. Ainsi se joue avant la Révolution une transformation capitale pour les sociétés occidentales. L'histoire des apparences enregistre tous les conflits politiques, religieux, sociaux de l'ancien monde, permettant de comprendre les logiques de l'avenir, celles des sociétés de consommation.
Mon opinion : Le 1° livre que j'ai lu, étant étudiant, de Daniel Roche : un souvenir impérissable.
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Deux cents ans après, il est encore un mythe solidement établi: la Révolution serait fille des Lumières.
Daniel Roche, qui n'est pas historien à se contenter de clichés ni de lieux communs, a très tôt décidé d'aller voir au plus près les Lumières _ non plus seulement dans les salons des élites parisiennes, mais au plus profond des provinces. Pister leur diffusion dans la France d'Ancien Régime, c'est assurément visiter la République des lettres qui rassemble toutes les activités de l'esprit _ production du livre, rapports avec les pouvoirs de contrôle et de censure, participation aux institutions de sociabilité culturelle (académies, loges, sociétés littéraires) _ auxquelles participent écrivains, savants, philosophes et auteurs. Mais c'est également découvrir _ hors des institutions _ la pluralité des mondes de l'intelligence qui, chacun à sa manière, selon ses caractéristiques sociales et son outillage mental, s'appropria les Lumières.
Pendant que salons et académies instaurent des codes littéraires, proposent des normes de goût et définissent les objectifs du travail savant, que lisent les nobles perdus dans les châteaux de province, les aristocrates frivoles des hôtels parisiens, les négociants avides de connaissances pratiques? Quelles valeurs _ nouvelles et anciennes _ reprend et propage un notable du Midi dans sa correspondance adressée de par la vaste Europe? Quel credo diffusent les médecins, attachés à l'idéal nouveau de l'expérience et de l'expertise, rêvant de l'aménagement utilitariste d'un monde laïcisé? Qu'écrivent, lisent et comprennent les Rousseau du ruisseau, intellectuels demi-soldes et précepteurs qui gavent de savoirs éclairés les enfants de la noblesse mais se repaissent eux-mêmes, blessés dans leur orgueil, à la table de leurs palefreniers?
Voilà des Lumières plurielles étrangement partagées entre modernité et archaïsme. Et le lecteur, à la suite de Daniel Roche, de regarder tout ce monde, faire à son échelle l'Histoire, la Révolution comme la Contre-révolution.
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De absolutisme éclairé à Zoologie sont répertoriés, explicités, commentés avec bibliographie et corrélats, tous les grands thèmes, les notions et les grands noms qui ont marqué ce dix-huitième siècle, appelé siècle des Lumières puisque marqué par un développement sans précédent de la vie intellectuelle, culturelle et scientifique, par un esprit de liberté qui a diffusé dans toute l'Europe. "Les Lumières ne doivent être confisquées par aucune corporation ni par aucune nationalité, elles bousculent l'histoire de la philoosophie ou de la littérature, elles débordent les territoires géographiques. Nous aimerions que le lecteur en retrouve la vigilance intellectuelle et le dilettantisme amoureux, la rigueur morale et le goût de la vie." (M. Delon)