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20 Jan

Compte rendu de la conférence d'André Arnal "3 cantons haut-garonnais dans la guerre : Aspet, Luchon, Saint Béat" par Vanina Paulus

Publié par Vanina Paulus  - Catégories :  #Deuxième Guerre Mondiale, #Histoire contemporaine, #Histoire des Pyrénées

Le 16 décembre 2021, André Arnal, un historien passionné s’est tenu en conférence au lycée Edmond Rostand devant plusieurs classes de collégiens et de lycéens. Il raconte alors la Seconde Guerre Mondiale dans son département de Haute-Garonne, en s’appuyant sur son livre d’histoire et de témoignages, « 3 Cantons Haut-Garonnais dans la guerre – Aspet, Luchon, Saint-Béat en 1930-1945 », paru en 2018.
Il raconte alors que la région et notamment les 3 cantons mentionnés furent le berceau de nombreux événements durant la Seconde Guerre Mondiale. En effet, de par sa proximité avec l’Espagne  et son relief montagneux, la vallée a permis à de nombreux juifs de fuir ou de se cacher en 1939 et 1945.
Ainsi, après presque 6 ans de recherches, Arnal a recueilli de multiples documents lui ayant permis d’écrire son livre. Grâce a l’aide de témoins, malgré leur effectif réduit et leur lassitude à raconter leurs histoires, tel qu’Émilienne Eychenne écrivaine sur la relation France/Espagne dans la guerre ; d’archives comme celles de Toulouse, Paris ou Luchon ou encore de journaux comme La Depêche ou L’Écho Pyrénéen.

    Premièrement, Arnal a abordé les aspects de la vie dans le secteur avant et pendant la Guerre. A travers la projection d’une carte du secteur, il explique que la population avant la Guerre était plus importante qu’aujourd’hui, et composée essentiellement de petites communes comme Jurvielle, dans la vallée du Larboust. L’exode rural du XIXe siècle en est une cause. En effet, avant ce dernier, l’économie était surtout basée sur l’agriculture et l’élevage. Ainsi, pendant la Guerre, les gens des campagnes ont moins souffert de la faim qu’en ville par exemple. D’autre part, on remarque que de nombreuses activités étaient d’ores et déjà en développement dans le secteur avant la Guerre. Le tourisme avec deux stations thermales reconnues, les sports d’hiver avec la création d’un ski club et la tenue en février 1941 des championnats de France de ski à Superbagnères l’illustre. L’industrie elle aussi était en plein essor avec l’exploitation du bois, la production de lait, ou les usines de métallurgie et de chimie à Marignac, ou encore la construction de nouveaux barrages et centrales hydroélectriques.
Néanmoins, cette progression fut rapidement ralentie par l’installation du régime du maréchal Pétain en juillet 1940, dans une France envahie par l’Allemagne. Ce changement de régime marque un tournant vers une dictature stricte dont la devise était « Travail, Famille, Patrie ». Cette révolution nationale chasse alors tous les opposants au régime parmi lesquelles les francs-maçons, les communistes ou même des enseignants dont les valeurs étaient contraires à celle du nouveau gouvernement.
S’entame alors une politique nouvelle, celle de la dénonciation. Pour ce faire, le régime a besoin de pouvoir s’appuyer sur des « agents du gouvernement », qui ne sont autres que des élus dociles pouvant faire appliqués ordres et valeurs de ce dernier. Cela amène à de nombreuses démissions d’élus politiques opposés au nouveau chef du gouvernement. La population devient alors rapidement encadrée et soumise à une large propagande avec la naissance de l’« Organisation de la Légion française des combattants ». Cette légion a pour but d’encadrer et d’impressionner la population. Ainsi, en juin 1941, elle défile dans les rues de Toulouse en faisant le salut fasciste, symbole du gouvernement. Le 30 août de la même année, une fête est organisée à Luchon pour célébrer le maréchal Pétain.
D‘autre part, le préfet national s’engage à envoyer de nombreux jeunes français en Allemagne pour participer à l’effort de guerre du côté allemand, c’est le Service de Travail Obligatoire (STO).
Le régime alors basé sur l’antisémitisme, hostilité à l’égard des Juifs en tant que groupe ethnique, religieux et ainsi racial, est installé par l’Allemagne nazie d’Hitler. La France est envahie, divisée et son économie est à plat. La haine des Juifs est installée partout et tous sont poussés à les chasser et à les dénoncer.

    Par la suite, une longue période de révoltes s’ensuit, suivie par la progressive mise en place d’une résistance.
Un des symboles les plus forts et retrouvé fréquemment est la lettre « V » peinte sur les murs des villes, elle représente la victoire. A Luchon, des pancartes « Vive De Gaulle » sont collées sur les murs. Aussi, on remarque rapidement de nombreux actes de désobéissance tels que la tenue de bals clandestins, exprimant le mécontentement des populations face aux nouvelles mesures mises en place.
C’est à partir des années 1941-1942 qu’une résistance s’organise véritablement en France. Elle se traduit par de la désobéissance civile avec des distributions de tracts mais aussi des sabotages, et la mise en place d’un réseau permettant la transmission d’armes notamment et l’élaboration d’une armée secrète (l’AS) révolutionnaire communiste.
De la même manière, trois maquis principaux sont installés dans le secteur. Celui d’Estenos par exemple, fut créé en mars 1943 par des résistants. Malgré une organisation effective, sept d’entre eux furent tout de même arrêtés par des gendarmes après avoir cambriolé la mairie d’Estenos. Un autre, situé à Aspet et réunissant plus de cent maquisards poursuivait la résistance en étant régulièrement réapprovisionné par parachutage d’armes alliées. Le dernier, celui de Labaderque, comptait de plus nombreux résistants car il fut rejoint par les maquisards d’Aspet lors de la dislocation de ce dernier. Mais ils étaient sans cesse sollicités, de fréquentes attaques et combats au sein des maquis était régulièrement enregistrés. Le 11 août 1944, le maquis de Labaderque connut une attaque qui coûta la vie à 4 hommes, en blessa gravement un autre, et conduisit à la destruction du village par les allemands. Même si certains parvinrent à s’échapper, les allemands fouillèrent les maisons et prirent plusieurs personnes en otages. Ce fut un des multiples exemples des traumatismes que connurent la population.

    D’autre part, pendant la période de l’occupation, les Pyrénées devinrent un véritable passage entre la frontière espagnole et française ayant permis à des milliers de juifs de s’échapper, mais aussi aux républicains espagnols de venir se réfugier en France. Cependant l’invasion de la zone libre par les allemands en novembre 1942 rend le franchissement des Pyrénées encore plus risqué et difficile puisque, dès lors, s’installera une surveillance par des patrouilles allemandes. Le récif montagneux devient alors une véritable « Terre de refuge ». En effet, en 1938, près de 7 000 républicains espagnols fuirent le régime franquiste pour rejoindre la France en passant par le Port de Venasque, un col pyrénéen culminant entre la frontière française et espagnole à 2 444 mètres d’altitude. Heureusement, ces derniers furent bien accueillis par les populations à leur arrivée en France. Ainsi, la Seconde Guerre Mondiale fut marquée par de nombreuses migrations, se dirigeant en majorité vers le Sud de la France. Effectivement, en juin 1940, les populations françaises fuirent les combats. On comptait alors 200 000 à 300 000 réfugiés à Toulouse, 22 000 à Saint Gaudens et déjà 3 700 à Luchon. Parmi ces derniers se trouvaient plus de 1000 Juifs, qui connurent à leur arrivée dans la région un mode de vie paisible. Ils avaient accès à des synagogues, et on recensa 26 couples de nouveaux jeunes mariés juifs à cette époque.
D’autre part, de nombreux enfants furent accueillis dans des maisons d’enfants comme à Aspet, dont les 48 jeunes s’adaptèrent rapidement malgré la barrière de la langue .
Néanmoins, le bonheur ne sut durer que jusqu’à l’émergence en 1942 de la « Solution Finale ». C’est à ce moment que le régime de Vichy décida de mettre en place une police politique et de la propagande à son service. Cela marquera le début de l’effondrement de la solidarité et de la division entre les habitants permanents de la région et les réfugiés. Une véritable invitation à la haine envers les juifs est installée. Un article du journal L’Eco pyrénéenne est lu publiquement et à voix haute sur la place principale de Bagnères de Luchon affirmant « il est temps de mettre un terme à l’invasion juive » et « de la peste juive délivrez nous seigneur ». A la suite de ces paroles discriminantes sont organisées des rafles et des arrestations de plus en plus violentes. Les maisons sont fouillées et le 26 août 1942, à 5 heures du matin, 13 personnes sont arrêtées dans le secteur. Parmi elles, Jeanne Lewin, une jeune femme juive qui sera déportée puis tuée dans le plus grand camp de concentration et d’extermination nazi Auschwitz Birkenau. Enfin, en novembre 1942, la présence des allemands s’étend et ces derniers arrivent dans la région. De plus en plus, des familles tentent de participer à la résistance en aidant les réfugiés. La famille Racine par exemple, se rend en Savoie où elle aide des enfants juifs à fuir le pays en traversant la frontière vers l’Italie.

    En effet, rapidement la seule alternative possible pour assurer leur survie, fut, pour les juifs, de fuir la France. D’autant plus dans le secteur de Luchon/St-Béat/Aspet, où 18 % des juifs en présence furent assassinés contre 25 % dans la France entière. Cette différence s’explique, notamment, par le fait que nombreux sont ceux qui se sont échappés en Espagne. Pour fuir le pays, le Col du Portillon fut un lieu de passage stratégique, puisqu’en effet, sa traversée était facile avant l’arrivée des allemands. En revanche, après cette dernière, la mise en place de douaniers compétents à la frontière compliqua la tâche pour les juifs, un véritable jeu du « chat et de la souris ». Un réseau de passeurs et des points de passages stratégiques furent construits, aujourd’hui répertoriés et schématisés par Eychenne. Cependant, ils ne permirent qu’à une infinité de juifs de survivre et de s’échapper, la GESTAPO (police secrète d’État du Troisième Reich) menant une chasse impitoyable à ceux tentant de s’échapper, et infligeant torture et déportation à ceux qui se faisaient attraper.

    Après une longue période vacillant entre entraide, dénonciation, et évasion, l’espoir d’une fin proche se fît ressentir à la suite des débarquements alliés en Normandie le 6 juin 1944 et en Provence le 15 août de la même année, lors desquels les troupes allemandes se firent encerclées par les alliés en étant repoussées vers le Nord. S’enchaîne ensuite une série d’événements amenant à la libération progressive de toute la région Sud de la France. Le 19 juillet 1940, une minorité de résistants lance une offensive de la vallée d’Arreau vers celle de Luchon. Quatorze allemands sont tués par les maquisards, et un jour plus tard, les allemands quittent définitivement Luchon. Mais, mal renseignés, ils se retrouvent très rapidement dans une embuscade à Chaum et sont obligés de bifurquer pour fuir vers l’Espagne.
En août 1944, la libération est célébrée partout en France. Une ambiance festive règne dans tous les villages qui étaient, quelques jours auparavant, occupés par l’ennemi. A Aspet, les cloches sonnent et annoncent la délivrance et la libération pour ceux qui étaient cachés depuis le régime de Vichy.
Cependant, des difficultés vont vite ressurgir et le calme et l’apaisement vont rapidement quitter l’esprit des français et des réfugiés. En effet, comme après toute période de guerre, le pays est épuisé et ne dispose plus d’aucune ressource pour se relever rapidement. Ainsi, s’entame une longue et difficile période pour les populations. Des pénuries et des manques de ravitaillement vont plonger le Sud de la France dans une situation compliquée, car la guerre après la libération continue, la peur est donc toujours présente.
D’autre part, à la suite du climat de violence et de peur constante pendant l’occupation, en France, se déploie une épuration extra-judiciaire, dite "sauvage", entre juin et novembre 1944. Épurer ne signifie pas simplement châtier les traîtres mais éliminer, mettre hors d'état de nuire des adversaires politiques, des ennemis de la démocratie et des partisans du nazisme ou présumés tels. Ainsi, même si certains nazis et collaborateurs tentent de s’échapper par l’Espagne, nombre d’entre eux connaissent un punition pour leurs actes. Rien que dans le secteur 6 collaborateurs sont condamnés à mort.

    Néanmoins nous retenons plus d’un héros durant cette guerre, ayant grandement contribué à la résistance départementale.
Parmi eux, Gabriel Gesse (1878-1954), militaire et héros de la Première Guerre Mondiale. Il est capturé en Allemagne mais parvint à rejoindre l’armée française à pied. Cette dernière refuse finalement son engagement lors de la Seconde Guerre Mondiale au vue de son âge. Il décide alors de militer et il est à l’origine de l’organisation de la résistance dans le secteur de Saint Gaudens. Une nouvelle fois arrêté en décembre 1943, il réussit finalement à échapper à la police allemande mais en ressort blessé. Il rejoint alors le maquis d’Aspet où il poursuivra son combat jusqu’à la fin de la guerre.
Jean Chabet (1900-1944), est lui aussi un héros et fondateur de la résistance dans la région, à laquelle il participe activement pendant la Seconde Guerre Mondiale. Il est néanmoins tué lorsque son maquis à Saint-Lys est attaqué par les Allemands.
Des places publiques, des écoles et des avenues portent aujourd’hui leurs noms, pour perpétuer la mémoire de ceux qui ont permis de lutter pour une France libre lors de la Seconde Guerre Mondiale.